Des expériences de mort imminente à Sarlat |
[INTERVIEW] Le Dr Postel évoque ses travaux
sur les expériences de mort imminente (EMI), initiés en 2008 à
l'hôpital de Sarlat
« Alors que mon père, dans le coma,
s'approchait de la mort, il nous a transmis en temps réel ce
qu'il voyait », explique Jean-Pierre Postel (photo Thierry
Dumas)
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À la retraite, mais pas trop… Le docteur
Jean-Pierre Postel, qui a terminé sa carrière de médecin
anesthésiste-réanimateur à l'hôpital de Sarlat en octobre 2012,
a quitté mercredi matin son Libournais d'adoption pour rallier
la cité. Il avait rendez-vous à 15 heures pour sa conférence,
salle Pierre-Denoix, donnée dans le cadre du Carrefour
universitaire, relative à la conscience et aux EMI, les
expériences de mort imminente (1), sur lesquelles il se penche
depuis 2007.
« Sud Ouest ». Tous les médecins
anesthésistes-réanimateurs ne s'engagent pas dans une telle
étude. Pourquoi vous ?
Jean-Pierre Postel.
Disons qu'une expérience personnelle dans
la famille, ajoutée à un fond de carrière bien sûr, m'ont amené
à me poser les bonnes questions. J'ai vécu une EMI d'empathie
avec trois personnes.
Est-ce impudique de vous demander de
rentrer dans les détails ? Je peux le faire puisque j'en parlerai lors
d'une conférence à Marseille mi-mars et puisque je l'évoque dans
mon livre (2). En fait, mon père était en train de mourir.
C'était en Picardie, d'où je suis originaire, en 2007. Avec ma
femme (pédopsychiatre) et mon fils (médecin), on était à ses
côtés. Alors que mon père, dans le coma, s'approchait de la
mort, il nous a transmis en temps réel ce qu'il voyait.
Vous parlez de télépathie ? Oui .
La télépathie, on y croit ou on n'y
croit pas…
Sauf qu'après, on a parlé tous les trois. On
s'est demandé si on avait tous vécu quelque chose d'étrange.
J'ai alors préféré qu'on adopte une démarche scientifique, c'est
ma formation cartésienne… Chacun de notre côté, on a écrit ce
qu'on a vécu, les informations transmises par mon père dans son
état irréversible.
Et alors ? Mot pour mot, c'était la même chose. Douze
heures plus tard, il est décédé. En quittant le box, nous avons
aussi ressenti la même sensation d'apaisement.
Cette expérience a-t-elle aidé le
deuil ? Oui .
Admettez-vous la possibilité que vous
ayez donc provoqué cette scène pour alléger votre peine ? Certes. Mais on a quand même reçu les mêmes
informations du chemin pris par mon père. Alors qu'il n'a pas
ouvert la bouche.
Les personnes qui reviennent d'une EMI
peuvent-elle être traumatisées ? Absolument. J'en ai vécu cinq à Sarlat en
trois ans. L'une d'elle en souffre encore, mais va un peu mieux.
Souvent, les gens ont peur de ce qu'ils ont vu, ils n'en parlent
pas. Ils peuvent alors développer un état de stress post-traumatique,
avec des pathologies, voire des tentatives de suicide. C'est
pourquoi j'avais créé une consultation pour que ces gens
puissent s'exprimer. C'était une première en France. Ici,
contrairement aux États-Unis, on ne sort pas trop des sentiers
battus.
Que voient-ils en général ? Ils évoquent un tunnel, une lumière, une
sensation de décorporation par exemple.
L'âge ou le milieu social peuvent-ils
influer sur la capacité à vivre et à verbaliser cette expérience
? Pour l'âge, oui. Une étude a montré que plus
vous êtes âgés, moins vous avez tendance à en parler.
Une fois revenues de cet état, les
personnes ont-elles moins peur de la mort ? En effet. Il peut en découler une absence de
crainte de la mort. C'est donc un outil fantastique en termes de
pédagogie de la mort. Un seul hôpital à Marseille, dans le
service de soins palliatifs du docteur Dudoit, s'en sert. Un
film superbe est notamment projeté, « Faux départ » de Sonia
Barkallah.
Cela les aide tous à apprivoiser ce
qui les attend ? Je ne dirais pas que ça les convainc, mais ça
les apaise un peu.
Avez-vous peur de mourir ? Non. Surtout depuis cette EMI avec mon père.
Et cela a eu les mêmes conséquences sur mon fils et mon épouse.
Le paradis, l'enfer, vous n'y croyez
donc pas ? Oh non, cela n'a pas de sens, selon moi. En
revanche, je pense que la conscience demeure après la mort. En
tout cas, on n'est pas là pour dire s'il y a un au-delà ou non.
Pour ce qui est de la vie après la mort, on n'a aucune preuve
scientifique. On peut toujours rêver…
Vous vous considérez plus comme un
médecin ou un scientifique ? Un médecin. Mais doublé d'un scientifique.
Vous n'arrêterez jamais vos travaux
sur ces EMI, n'est-ce pas ? Non, jusqu'à ma mort.
(1) Le Dr Postel a fondé en 2009 le Centre
national de recherche et d'information sur la Conscience
(www.cneric.fr).
(2) « À la vie, à la mort, itinéraire d'un
anesthésiste », aux éditions S17 Production. La sortie de
l'ouvrage est prévue en mars.
Sarlat-la-Canéda ·
santé
La mort a-t-elle un sens ?
Itinéraire d’un Anesthésiste
Ce parcours au service de la vie contient en creux un fil rouge
: le rapport à la mort. Sans complaisance et sans dogmatisme, le
Dr POSTEL livre une réflexion avant tout empreinte d’éthique et
d’humanisme, marquée par la proximité avec la mort dès le plus
jeune âge.
Les expériences de mort imminente (EMI) et autres états modifiés
de conscience rencontrés en anesthésie & réanimation, sont le
point de départ de cet ouvrage essentiellement tourné vers la
Vie, la Dignité, le Respect et l'Accompagnement. Un témoignage
saisissant de sincérité et de profondeur.
Le Docteur Jean-Pierre POSTEL est né à Amiens le 23 Avril 1949.
Il a été chef du service d’Anesthésie-Réanimation chirurgicale
de l’Hôpital de Sarlat (Dordogne) de 2003 à 2012 et réside
aujourd’hui dans le Libournais. Il est co-fondateur du Centre
National d’Etude, de Recherche et d’Information sur la
Conscience (CNERIC) avec Sonia Barkallah.
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