EMI de Linda B 1030
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DESCRIPTION DE L'EXPERIENCE :
Mon histoire est très longue, mais les évènements qui ont mené à l’expérience de
mort imminente sont aussi importants que ceux qui ont eu lieu après cette
expérience. Si vous n’êtes intéressé que par l’expérience de mort imminente,
passez la première partie pour aller au milieu du texte. C’est vous qui
décidez.
Tout s’est passé en 1969
Mercredi 2 avril
Ma grossesse était très avancée et j’aurais dû avoir le bébé bien avant. J’étais
à nouveau chez le médecin. J’avais perdu 1,5 Kg, descendant à 62 Kg, le docteur
en était contrarié. Je lui ai dit qu’à cause de la douleur que je subissais
depuis une éternité, me semblait-il, je ne pouvais ni dormir ni manger.
J’espérais qu’il allait me dire que j’avais vraiment commencé le travail, mais
ce ne fut pas le cas. Il m’a dit que le col n’était dilaté que d’un centimètre,
après lui avoir indiqué une fois de plus la localisation de la douleur, il a
déclaré que je ne subissais toujours qu’un faux travail. En ce qui me concerne,
j’avais la sensation d’un travail réel. C’était de la vraie douleur et j’en
avais marre.
Il a vu à quel point j’étais déprimée et fatiguée. Il a essayé de me remonter le
moral. Il m’a dit que j’allais avoir ce bébé dans deux heures, deux jours ou
deux semaines. Cela ne m’a pas fait rire.
Il est redevenu sérieux et m’a donné les nouvelles que je voulais vraiment
entendre. Le bébé était dans la bonne position, il pesait environ 3 kg et je
n’allais pas avoir d’autre rendez-vous cette semaine là. Le prochain rendez-vous
a été pris pour le lundi 7 avril à 10 h, mais il pensait que le bébé allait
naître avant, dans le cas contraire, il prévoyait de déclencher le travail le
lundi. Cela bien sûr dans le cas où tout lui paraîtrait correct. Il m’a dit de
rentrer chez moi, de me reposer et de profiter du congé, il y avait en effet
trois jours fériés pour la plupart des familles.
Jeudi 3 avril
Je n’ai pas dormi pendant la nuit du mercredi. La douleur que je subissais m’a
mise à genoux, lorsqu’elle déclinait, je ne souffrais plus pendant une heure ou
plus. Puis, lorsqu’elle revenait, elle me déchirait les entrailles toutes les 5
minutes pendant une autre heure. Je pensais que j’allais perdre les eaux ou que
le bébé allait tomber par terre d’une minute à l’autre. Je n’ai jamais cessé de
m’inquiéter et d’imaginer le pire. Dormir était hors de question. Je n’ai
raconté à personne ce que je subissais, pas plus que mes craintes.
Ma belle-mère a vu que je n’étais plus moi-même. J’essayais de paraître joyeuse
et intéressée mais c’était forcé. Elle et moi avions du travail, car ma
belle-sœur et son jeune fils étaient venus séjourner avec nous à la maison, le
petit garçon était partout. Je ne voulais pas être une charge pour ma
belle-mère, je souhaitais l’aider mais j’ai échoué lamentablement.
Comme je ne mangeais pas le déjeuner que ma belle-mère avait cuisiné, elle s’est
donné du travail supplémentaire en me préparant une soupe et des toasts. Elle a
tenté de m’encourager à manger. Je voulais vraiment manger, mais dès que je
m’asseyais à table, les douleurs commençaient, accompagnées de nausées. Manger
était hors de question.
J’étais extrêmement fatiguée et j’avais des difficultés à contrôler mes
émotions. J’étais constamment au bord des larmes. J’étais tout à fait déçue par
la tournure des évènements, j’étais malheureuse et angoissée. Rien ne se passait
comme je l’avais imaginé. C’était censé être une période de bonheur et de joie.
Tout ce que j’éprouvais, c’était de la frayeur et de l’angoisse.
Mon mari, Rich, est revenu du travail le jeudi soir, il voulait faire le long
trajet jusque chez nous. Il avait trois jours de congé et voulait que nous en
profitions seuls, pas avec sa famille. Tout ce que je voulais, c’était me cacher
dans un coin noir quelque part.
J’ai expliqué que je ne me sentais pas bien (je ne lui ai pas dit toute la
vérité) mais Rich a insisté pour rentrer chez nous. Comme je n’ai pas voulu
provoquer de gros problèmes, j’ai convenu de rentrer avec lui.
Après avoir préparé à dîner, nous avons regardé la télévision en silence, puis
nous sommes allés au lit. J’étais allongée, regardant la pendule et comptant les
contractions. Lorsqu’elles n’ont plus cessé, à intervalle d’à peine deux
minutes, j’ai réveillé Rich et lui ai dit qu’il était temps qu’il me ramène en
ville à l’hôpital. Rich était contrarié. J’étais bien sûr gênée et mortifiée
d’avoir à lui dire que je souffrais.
Il n’a pas été content lorsque je lui ai expliqué que j’avais eu des douleurs de
travail depuis quelques temps. Il a été irrité du fait que je ne l’ai pas averti
avant le long voyage de retour chez nous, mais à ce moment là, je n’avais pas
beaucoup communiqué. Je n’avais pas du tout contribué à nos relations.
Il avait plu et le voyage en descendant de la montagne a été humide, lent et
sombre. Le temps que nous arrivions en ville, les douleurs avaient cessé, j’ai
alors craint d’avoir provoqué des problèmes sans motif, que j’allais à l’hôpital
seulement pour être renvoyée à la maison s’agissant d’un faux travail. Je l’ai
dit à Rich. Il m’a demandé ce que je voulais faire, j’ai pris la décision de
retourner à la maison de ses parents. Rich est allé se coucher et j’ai choisi de
rester dans le salon où j’ai repris mon habitude trop familière maintenant :
faire les cent pas, m’asseoir, faire les cent pas à nouveau.
Il n’a pas fallu longtemps avant que la douleur revienne à pleine force, ma peur
de souffrir l’a emporté sur ma crainte de créer des problèmes. J’ai appelé
l’hôpital et j’ai parlé à une infirmière qui m’a chanté le même refrain que
celui du médecin quelques heures auparavant. Elle pensait aussi que la douleur
que je décrivais était un faux travail. Elle m’a expliqué que si je décidais de
venir à l’hôpital et que j’étais en faux travail, j’allais être renvoyée chez
moi. Mais elle a ajouté que si j’étais angoissée, ce qu’elle pouvait tout à fait
entendre à ma voix, alors je pouvais venir ;
J’ai fait les cent pas et pleuré quelques temps encore avant d’aller dans la
chambre où dormait Rich, j’ai pris les clés de la voiture sur la coiffeuse.
J’avais décidé de conduire ma coccinelle Volkswagen rouge jusqu’à l’hôpital.
J’ai pensé que si je conduisais moi-même jusqu’à l’hôpital, je n’allais ennuyer
personne.
Rich s’est réveillé tandis que je partais, il a insisté pour m’emmener. Je lui
ai dit que j’allais conduire moi-même, que ce n’était probablement rien, que
j’allais l’appeler depuis l’hôpital si c’était vraiment l’accouchement. Je
voulais ne gêner personne. Rich a pris les clés de mes mains tremblantes et nous
avons roulé en silence dans les rues tranquilles, détrempées par la pluie. Je me
conduisais comme une idiote et je ne savais pas comment faire autrement.
Je n’ai rien emmené à part mon sac à main, ma peur et ma déprime. Je me sentais
stupide, puérile, gênée et solitaire. J’ai décidé de faire face seule à tout ce
que je ressentais.
* * *
Vendredi 4 avril
Juste après minuit, le médecin est venu me voir et, « oh,oh ! » le col était
dilaté de 4 centimètres. Jamais je n’avais entendu de mots si merveilleux. Je
n’étais pas en faux travail, j’étais vraiment, vraiment en travail. Il ne me
restait plus que 6 centimètres avant de pouvoir tenir un bébé dans mes bras. Du
moins, c’est ce que je pensais.
Le médecin et les infirmières apparaissaient aussi régulièrement qu’une horloge,
dans le but de m’examiner, puis, la réponse était toujours la même : pas de
changement. Le médecin a dû rompre la poche des eaux, il était inquiet car il
n’y avait pas de liquide. J’avais été tellement impatiente de vivre cette étape
de l’aventure. J’étais déçue et le docteur était inquiet.
Il m’a rapidement expliqué que le bébé n’était plus dans la position adéquate
pour l’accouchement, mais il m’a dit : « Ne vous inquiétez pas. ». On m’a mise
sur le côté pour laisser la gravité et la « nature » faire leur œuvre. Le
problème en fait avec cette méthode, c’est que les jours de travail à la maison,
le manque de sommeil et la quasi absence de nourriture et d’eau, avaient déjà
prélevé leur dîme. La « nature » m’avait déjà placée dans un dangereux état de
faiblesse, d’épuisement et de peur. Me dire de ne pas m’inquiéter, c’était comme
dire à un oiseau effrayé de ne pas s’envoler… TROP TARD !
En un rien de temps, on m’a posé une perfusion au bras, les infirmières de
l’hôpital tentaient en effet de me réhydrater et de me nourrir. On, espérait que
ce liquide, « viande et pommes de terre » comme l’appelait le médecin, allait me
donner la force et l’endurance nécessaires pour l’épreuve qui restait à venir.
L’optimisme du docteur persistait.
Il m’a également expliqué que si le bébé ne revenait pas dans la bonne position,
cela ne devait pas m’inquiéter. Il lui faudrait juste courber un peu le gamin,
lui faire un petit bleu afin de pouvoir l’extraire. Il ne fallait pas
m’inquiéter disait-il… J’étais inquiète !
Rich, mon mari, était à mes côtés au début de cette épreuve. Il était la seule
personne autorisée dans la pièce, en dehors du personnel médical. Le reste de ma
famille était cantonné dans la salle d’attente afin d’y vivre leur épreuve.
Il ne m’a pas fallu longtemps avant de faire l’expérience de la douleur
authentique du plein travail et au delà. La douleur atroce était constante, sans
soulagement prévu ni promis, et l’intensification des craintes du médecin se
voyait tout à fait dans ses yeux expressifs.
Il voulait que je me repose autant qu’il m’était possible, que je conserve mes
forces, mais cela se situait déjà au delà du possible. C’est alors qu’il a
proposé avec insistance que je prenne des analgésiques pendant une courte
période afin de soulager toute cette souffrance et que je puisse me reposer.
Avant de pouvoir répondre, j’ai ressenti une présence familière près de moi. Je
ne savais pas de quoi il s’agissait à ce moment là, mais elle était bien là.
Ma mère a perdu son premier bébé en 1944 car, dans le but de ralentir le
travail, les médecins lui avaient administré trop d’éther. Je ne voulais pas
qu’on introduise quoi que ce soit dans la circulation sanguine ou les poumons du
bébé, ce qui pourrait mettre sa vie en péril. Je voulais que mon bébé ait les
meilleures chances possibles pour lutter. Quelque chose dans ma tête ne cessait
de me le répéter. J’ai dit au médecin que je n’allais rien prendre qui puisse
affecter mon bébé ! Les analgésiques étaient donc hors de question.
J’ai pu déceler au ton de sa voix que son inquiétude venait de monter de
plusieurs crans. Les médicaments analgésiques auxquels il pensait, auraient
atteint la circulation sanguine du bébé. Cette idée ne venait même pas en ligne
de compte pour moi. Lorsque j’ai mis les points sur les « i » à ce sujet, c’est
le médecin qui a commencé à avoir peur.
Rich était très ennuyé par la tournure des évènements. Pour lui non plus, rien
ne se passait comme il s’y attendait. Sa façon de gérer le stress était de
plaisanter avec les autres, dans l’espoir de convertir l’atmosphère de tension
et de malheur en relaxation et tranquillité. Un peu de gaieté peut faire
beaucoup dans ce cas, c’est une des choses que j’apprécie chez lui. Avec toute
la tension qui flottait dans la pièce, il a tenté de faire agir sa magie sur
moi. Cela n’a pas marché cette fois. Les blagues de Rich ne faisaient que me
stresser davantage.
Il a commencé à sortir de son sac toutes les blagues horribles qui
habituellement me faisaient réagir. Il s’est également mis à parler de
nourriture en raillant celle de la salle d’accouchement, qui en fait n’existait
pas. Un seul mot de moi et il allait quitter l’hôpital puis se faufiler dans la
pièce avec un repas de gourmet. Ce repas allait se composer de tacos, de tarte
meringuée au citron recouverte de chocolat au malt. Dans des circonstances
habituelles, un tel repas m’aurait rendu heureuse, mais à ce moment là, la
simple pensée de la nourriture me rendait malade. Je lui ai murmuré d’arrêter de
plaisanter et de parler de nourriture, mais il a continué à essayer de me
remonter le moral.
Je ne voulais pas le froisser, j’étais incapable de conserver un visage heureux
en sa présence. Je sentais que ses plaisanteries ne faisaient qu’empirer les
choses pour moi, je ne savais pas comment faire pour me faire comprendre sans
heurter ses sentiments. Quelque part, au plus profond de moi, je savais que
j’étais vraiment en danger, que je menais le combat de ma vie. J’ignore comment,
je savais qu’il s’agissait d’une lutte que je devais mener seule. Je devais me
concentrer sur moi-même et je ne pouvais pas le faire si Rich essayait de me
faire me sentir mieux. J’ai donc demandé au médecin de le faire sortir de la
chambre. Le docteur a parfaitement compris, il a fait ce que je lui demandais
sans rien demander. Cela m’a surprise et je me suis encore plus inquiété et posé
des questions.
Aujourd’hui, je ne ferais jamais sortir Rich de ma chambre, mais à l’époque, lui
et moi n’étions par très habiles pour communiquer sur les choses graves. J’en ai
honte maintenant car cette crise aurait été le bon moment pour apprendre et
grandir, mais j’ai choisi de la traverser seule, sans explication pour Rich. Le
médecin lui a simplement dit que j’avais besoin de me reposer et d’être seule,
Il n’a pas remis en cause l’autorité du docteur ni son droit de le faire sortir.
Il vous dirait maintenant qu’il remuerait ciel et terre pour rester dans la
pièce. Les temps changent et j’en suis heureuse, mais alors, j’ai choisi de tout
traverser toute seule et personne ne l’a contesté.
Le médecin voulait que je me repose, mais le repos ne faisait pas partie de mon
avenir, la douleur accrue, oui. A ce moment là, je n’étais pas plus proche de la
délivrance que lorsque j’étais venue pour la première fois à l’hôpital, la
souffrance était devenue tellement intolérable que le docteur a pris une
décision. Nous avions tous suffisamment subi. Mon corps ne pouvait plus tolérer
de souffrance supplémentaire, j’étais épuisée. Assez c’est assez. Pratiquer une
césarienne ne paraissait pas un mauvais choix lorsque le médecin s’est décidé
pour ce type d’action.
J’étais reconnaissante d’entendre la proposition de césarienne et je fus
heureuse de l’accepter. J’avais l’impression d’avoir passé une semaine dans le
même lit, dans la même chambre, dans la même position, alors qu’en fait je n’y
avais passée qu’une grande partie de la journée. J’étais prête à changer de
paysage et plus que disposée à finir la journée sur une note d’amélioration.
J’avais en arrière-pensée la crainte que ma prémonition de mourir en couche ne
se réalise sur la table d’opération, mais je l’ai rapidement mise de côté. Je
voulais juste que la douleur et le cauchemar se terminent.
Rich et moi avons signé les papiers avec bonheur, toutes les décharges donnant à
l’hôpital la permission d’opérer. Les infirmières m’ont préparée pour
l’opération, je pensais me diriger vers le bloc opératoire, lorsque la
« nature » et la « gravité » ont décidé de changer le reste de ma vie.
Le bébé s’est retourné. Ce ne fut pas une rotation douce, mais plutôt du genre
« On enlève les mains des barres, bras dehors, on les agite, et c’est parti ! ».
Le mouvement a été tellement violent que j’ai pu voir et sentir la marque des
extensions qui se sont formées sur mon abdomen gonflé. Le bébé voulait sortir et
il voulait sortir tout de suite. Le seul vrai problème, c’est qu’il n’avait pas
de passage sûr pour s’extraire.
Alors que le bébé tentait d’insérer la tête dans l’ouverture de quatre
centimètres, trop petite, la circulation sanguine vers son cerveau s’est
bloquée. Son rythme cardiaque a bondi au delà des normes. Son cerveau en manque
d’oxygène forçait le cœur à battre de plus en plus vite dans une tentative de
survie, mais en fait, le bébé était en train de mourir. Il en était alors de
même pour moi.
Tout à coup, j’ai senti que mon corps se mettait tout seul en mode douleur et
panique. Ma pensée ordonnait à mon corps de ralentir et de rester calme, mais
mon corps n’écoutait pas. Je ne parvenais pas à stopper un corps qui tentait de
redoubler de vitesse, luttant pour sauver l’enfant qu’il avait nourri et protégé
pendant plus de neuf mois, en vain. Je luttais moi aussi pour sauver mon propre
corps. Il avait pris le contrôle, mon esprit et ma volonté restaient en dehors
du circuit. La conséquence était que mon enfant à naître et moi étions en train
de mourir et je n’y pouvais rien.
Tout ce qui se déroulait autour de moi s’est transformé en panique et en
confusion, tout se passait « SIMULTANEMENT » !
Instantanément la salle s’est converti en ruche, on m’a mis un masque à oxygène
sur le visage en me disant comment respirer afin d’éviter l’hyperventilation,
évidemment, j’ai fait de l’hyperventilation quand même. On m’a dit que le
supplément d’oxygène qui pénétrait dans mon organisme était destiné au bébé, car
il avait des problèmes pour en obtenir suffisamment pour son propre organisme.
Je continuais d’essayer de ne pas paniquer. Aucune chance là non plus. Je
n’arrêtais pas de me dire à moi-même de rester calme, rester calme, mais
apparemment « moi-même » était dur d’oreille. Sur le point de paniquer, c’était
comme si j’étais à mi-séance d’un film d’horreur, sauf que j’observais et que je
participais tout à la fois, que tout autour de moi se déroulait non pas au
ralenti mais à vitesse double.
On m’a emmenée d’urgence non pas en salle d’opération, mais vers la radiographie
où le cauchemar a continué. Les médecins (j’en ai alors eu plusieurs) m’ont dit
qu’ils devaient voir ce qui se passait à l’intérieur, la radio était donc
absolument nécessaire. Il n’a pas fallu longtemps pour découvrir qu’il n’y avait
aucun espoir que j’aie une délivrance normale. En fait cet espoir n’avait jamais
existé.
La radio a montré que la dilatation était de douze centimètres, Dieu seul sait
depuis combien de temps, toutefois il y avait déformation, la dilatation n’était
que de quatre centimètres au centre et douze centimètres de chaque côté, comme
le chiffre huit. Le docteur n’avait pas pu le détecter. Les médecins m’ont alors
informée que mon espoir de césarienne s’était également évanoui. Ils étaient
maintenant engagés dans un combat désespéré pour empêcher mon corps épuisé
d’entrer en état de choc. Il ne pourrait y avoir de rétablissement après un tel
choc. La décision des experts était unanime. Le pronostic était passé de mauvais
à désespéré. Il n’y avait aucune possibilité que je puisse accoucher de façon
normale, quotidienne, faite maison, ni, et tous en convenaient, que je puisse
survivre à une opération. L’étau se resserrait vraiment sur moi. L’opinion
ultime des médecins était que mon seul espoir d’en sortir vivante serait un
avortement. Ils ont expliqué ce processus avec force détails affreux. Ils
allaient me mettre sous tranquillisants, mais sans m’endormir. Ils ont expliqué
qu’il allait s’agir d’un genre de somnolence. L’enfant à naître allait également
être tranquillisé par une injection dans la tête. Lorsque nous allions être
paisibles et calmes, ils allaient découper le bébé, puis extraire l’enfant mort
par morceaux, en espérant que mon corps prendrait la chose comme un accouchement
normal.
Je n’arrivais pas à comprendre comment ils pouvaient me dire tout cela. La
simple pensée de faire une telle chose aurait dû me mettre en état de choc. Mais
ils devaient m’informer de toutes les statistiques afin que je puisse signer les
papiers et que l’opération puisse avoir lieu.
Cette méthode n’était pas sans risques. Si j’étais en état de choc avec la mort
du bébé, ils supposaient que je n’allais pas survivre. Mes chances de survie à
l’avortement étaient de 50 % mais la vie du bébé serait perdue. Ce n’était pas
un bon pronostic pour une femme qui avait commencé cette aventure jeune, robuste
et saine. Il n’y avait aucune chance pour un enfant qui avait été robuste, sain,
prêt à naître et qui luttait également pour sa survie avec un rythme cardiaque
sans cesse croissant.
Le spécialiste en charge a commencé à m’expliquer (en pourcentages), la gravité
de la situation dans laquelle je me trouvais. Une césarienne était maintenant
100 % hors de question. J’étais trop faible pour survivre à l’opération. Il a
été déterminé que le risque que mon corps soit en état de choc sur la table
d’opération avant qu’on puisse enlever le bébé, s’élevait à 75 %. Si j’entrais
en état de choc, j’allais mourir. Je subissais toujours de fortes contractions
et cela posait problème pour une raison que je ne comprenais pas. Pour le bébé,
les chances de survie à une opération étaient de 5 % ou moins.
De cette voix professionnelle et monotone que tous les médecins semblent prendre
quand ils se sentent impuissants, ils ont continué à m’expliquer solennellement
les autres options possibles pour moi sous forme de pourcentages et de
statistiques. 25 % de chances pour moi, 0 % pour le bébé ou 50% pour moi,
0 % pour le bébé. C’était une confusion de chiffres, mais ce qui revenait sans
cesse, c’est que le bébé avait tiré la paille la plus courte, il n’avait que peu
de chances, voire aucune.
Tout à coup, il m’a semblé que tout le monde s’était mis à parler à voix basse,
murmurant, comme si quelqu’un était déjà mort. Ce n’était en fait pas éloigné de
la vérité. A l’intérieur, je mourrais par morceaux à chaque syllabe ou
pourcentage murmuré. On me forçait à accepter la possibilité que je n’avais que
50 % de quitter l’hôpital vivante, pour cela il me fallait accepter de les
laisser tuer mon bébé.
La nécessité de l’opération me mettait en rage et me terrifiait, mais cela
paraissait raisonnable et bien déduit des circonstances. Je n’aimais pas cela,
mais il ne semblait pas y avoir d’autre issue. Je voulais juste que tout ce
cauchemar se termine. Je voulais que la douleur prenne fin. Je voulais que la
peur me quitte. Je voulais vivre.
Tous les médecins avaient convenu que l’avortement pourraient me sauver la vie,
si et seulement si on commençait immédiatement, qu’ils fassent vite. Le temps
était essentiel. J’avais l’impression d’être poussée d’une falaise, en quelque
sorte sans personne vers qui me retourner pour me retenir. La salle d’attente
était pleine de gens qui m’aimaient et vers qui j’aurais pu me tourner, mais la
pensée ne m’a même pas effleurée. Cela me paraît tellement étrange maintenant.
Les médecins m’ont expliqué que le bébé, même s’il était encore vivant à ce
moment là, était en fait en mort cérébrale à cause du manque d’oxygénation du
cerveau. A toute fin utile, ils ont ajouté que le bébé était déjà mort, mais que
s’ils attendaient ne serait-ce que le peu de temps restant pour qu’il soit
effectivement mort, selon toutes probabilités, j’allais également mourir. On ne
pouvait pas attendre. J’avais déjà envisagé cette éventualité.
On a amené des documents pour que je les signe et on a fait les préparatifs.
« La vitesse » disaient-ils « est essentielle. ». Il leur fallait commencer tout
de suite et se dépêcher. Une minute de gâchée, c’était 1 % de moins pour des
chances de survie déjà basses.
A cette époque de ma vie, je n’avais jamais été contre l’avortement dans le but
de sauver la vie d’une mère. Ce que les médecins suggéraient était raisonnable.
J’étais ravagée par la douleur, au bord d’une peur incontrôlable et je portais
déjà le deuil de mon bébé. Mon corps était au delà de l’épuisement. Je voulais
m’en sortir. Je voulais rentrer chez moi. Je voulais juste que tout cela cesse.
J’aurais fait n’importe quoi pour que cela s’arrête ! Je ne voulais pas prendre
cette décision horrible mais il le fallait. Ensuite les médecins allaient
s’occuper du reste. Tout ce qu’ils me demandaient, c’était un OUI, ou juste un
hochement de tête et un petit griffonnage sur un morceau de papier. Cela aurait
dû être très facile. Ce n’était pas le cas.
Je voulais dire oui, simplement stopper cette folie, mais comment pouvais-je
prendre une telle décision en un temps aussi court ? Je voulais que quelqu’un
d’autre décide et m’enlève ce fardeau des épaules.
Je me suis mise à prier. Je voulais que Dieu prenne, en quelque sorte, la
décision pour moi. Mais l’hôpital et les médecins avaient besoin d’entendre la
réponse sortir de mes lèvres. « Mon Dieu, s’il te plaît. » a été la seule prière
que j’ai réussi à faire avant d’être pressée de donner une réponse et de signer
le papier.
Le décision a été prise. J’allais me conformer à la seule réponse possible et
laisser l’opération s’engager. Le mot est sorti de mes lèvres tellement
doucement qu’il m’a semblé (ainsi qu’à tous les autres dans la pièce) être le
mot « NON ». Eh bien voilà qui est étrange ! Ce n’était pas celui que j’avais
formulé dans mon esprit ! Je voulais dire « Oui ».
J’ai entendu le mot « non » se former à nouveau dans mon esprit, il était
accompagné des paroles attente, foi, ne pas craindre, prier-------------. J’en
avais assez entendu. J’ai immédiatement su que ma prière avait été entendue, et
exaucée ! On m’a fait savoir que la réponse était « Non ». Dieu avait pris la
décision, il ne voulait pas qu’on tue mon enfant. Je me suis déterminée avec
opiniâtreté. Dieu et moi étions du même avis, tout allait bien. Ou du moins
c’est ce que je pensais.
J’ai senti la panique et la peur se dissoudre en moi. Je n’avais pas entendu
clairement toutes les paroles, la compréhension de tout ce qu’on me demandait
n’était pas claire comme de l’eau de roche, mais je savais que je n’étais pas
seule pour cette affreuse décision. Je savais que le bébé et moi allions nous en
sortir d’une manière ou d’une autre. Ce que j’ignorais à l’époque, c’est que
pour m’en sortir il allait me falloir mourir et qu’en mourant, ma vie allait
changer pour toujours.
Mes larmes se sont mises à couler, non pas de chagrin, mais de soulagement. La
peine avait été éliminée de mon cœur. Ce « Non » qui avait été prononcé ne
m’appartenait pas. Il provenait d’un endroit en dehors de cette vie, pourtant il
avait été exprimé par ma bouche et je ressentais de la joie. Le choix avait été
fait à ma place.
Cette présence persistait auprès de moi afin de me donner courage tandis que je
répondais avec plus de force et de conviction. Ma réponse n’était plus un faible
murmure, c’était un « NON ! » déterminé et fougueux.
Ce « NON » qui, juste un instant auparavant m’était tellement étranger, a
occasionné un choc complet aux médecins. Ils n’arrivaient pas à croire ce qu’ils
entendaient. Comment une personne saine d’esprit pouvait-elle refuser ce qu’eux,
en tant que praticiens compétents, avaient exprimé de façon si éloquente ?
« Non » n’était pas une réponse acceptable pour eux.
Surmontant leur choc initial, ils se sont mis à parler, cette fois avec un peu
moins d’empathie et beaucoup plus d’autorité. Ces médecins experts étaient
convaincus que selon toutes vraisemblances, je n’avais pas compris que j’allais
mourir si je n’acceptais pas que cette intervention soit pratiquée
immédiatement. « Acceptez les faits » disaient-ils, « Le bébé est un légume et
personne ne peut plus rien pour lui. Pensez à votre propre vie. » m’a-t-on dit.
Je devais laisser les docteurs me sauver. J’allais pouvoir avoir d’autres
enfants si je survivais à cette épreuve. Ils voulaient me sauver, ils devaient
me sauver, mais ils ne pouvaient rien faire, à moins que je ne leur accorde la
permission de commencer. Ils m’ont ensuite dit que mon mari et ma famille avait
déjà donné leur accord à cette décision. Mon mari savait ce qui devait être fait
et il avait déjà signé les papiers, il me fallait maintenant écouter la raison
et signer les papiers également.
Je n’étais pas convaincue. Pas même ébranlée. J’étais déterminée. La paix
intérieure, qui avait empli de chaleur mon être tout entier, m’avait donné la
réponse et c’était la seule que je pouvais dorénavant accepter. Les dés étaient
jetés, les médecins parlaient maintenant à un mur.
A ce moment, les médecins se sont mis à parler de plus en plus vite à propos du
bébé, répétant sans cesse les mots « légume » et « mort cérébrale ». Puis, alors
que l’un des spécialistes commençait à me faire les gros yeux, j’ai tourné la
tête croisant le regard de mon docteur, je lui ai silencieusement demandé de
l’aide. Je pleurais plus que jamais. Je paniquais vraiment à l’idée que ces
médecins puissent extraire le bébé sans ma permission. Allaient-ils le faire, le
pouvaient-ils ? J’avais plus peur que jamais. Je paniquais à nouveau, mais pour
une raison totalement différente cette fois.
Surprenant tout le monde dans la pièce, y compris moi-même, je leur ai soudain
hurlé de sortir tous et de me laisser seule ! Jamais de ma vie je n’avais été
aussi impolie, mais cela a marché et tous sont partis, avec beaucoup de
réticence, mais ils m’ont laissée seule. Mon médecin personnel est revenu
tranquillement dans la salle d’accouchement. Il s’est assis sur le bord de mon
lit, d’une voix douce il a commencé à me réconforter. « Personne » a-t-il assuré
« ne fera quoi que ce soit sans votre permission expresse. ». Soulagée d’avoir
au moins un médecin à mes côtés, j’ai commencé à me détendre, très lentement la
panique a reflué, mais pas mes larmes. « Vous n’allez pas les laisser tuer le
bébé, n’est-ce pas ? » ai-je demandé en sanglotant. Je m’inquiétais encore. Je
craignais qu’ils n’aillent chercher un juge pour signer rapidement une décision
de justice afin d’extraire le bébé sans ma permission, ils pensaient en effet
que j’étais folle, ou incapable, ou quelque chose de ce genre (je regarde trop
la télévision).
« Non, bien sûr que non » a répété mon médecin. Il m’a ensuite demandé, cachant
mal sa frustration : « Que voulez-vous que je fasse maintenant ? »
Que voulais-je que le docteur fasse ? Qu’étais-je censée faire ? Il me fallait
maintenant y penser ! Je ne savais vraiment pas quoi faire au sujet de quoi que
ce soit. Je n’entendais pas cette voix dans la tête me dire ce que j’étais
censée faire alors, mais seulement quelque chose comme « attendre », si je
ne faisais qu’attendre, quelque chose allait se produire et le bébé et moi
allions bien nous en sortir, tout simplement.
Que devais-je dire à ce jeune médecin sur le visage duquel, l’impuissance
semblait alors être l’expression principale ? « Mon Dieu, pardonne-moi de le
demander, mais où est la voix maintenant ? Toujours rien ! ». Je n’arrivais pas
à trouver autre chose, j’ai donc décidé de dire la vérité. J’ai pris une
profonde inspiration et j’ai dit : « Je vais juste attendre et voir ce qui va se
passer. ».
Je ne voulais pas indiquer au médecin qu’une voix m’avait dit d’attendre. Je ne
pouvais pas lui dire que le « Non » prononcé la première fois ne l’avait même
pas été par ma voix, n’est-ce pas ? Bien sûr que non, il aurait pensé que
j’étais folle. Il aurait amené dans ma chambre un type de médecin tout différent
(un psychiatre), l’avortement aurait alors très probablement eu lieu sans mon
consentement. J’ai pensé : « On ne demande pas aux malades mentaux ce qu’ils
souhaitent! ».
J’ai vu, à l’expression douloureuse du docteur, qu’il attendait beaucoup plus
que la réponse que je venais de lui donner. De nombreuses pensées embrouillées
me traversaient l’esprit. La moindre étant de me demander ce qui allait arriver,
ou ce qui devait se produire afin que ma vie se poursuive. En vérité, ce qui
sortait de ma bouche était à la fois hésitant et confus, mais simple. Il me
fallait dire quelque chose de logique, j’ai donc dit ce qui m’est alors venu à
l’esprit de plus logique. J’ai réussi à dire au médecin : « Si je dois mourir la
première, alors je veux que vous fassiez tout ce qui est possible pour sauver
mon bébé, si le bébé meurt le premier, alors faites tout ce que vous pouvez pour
me sauver. Me comprenez-vous ? ».
Bizarrement, tandis que je prononçais ces paroles, cette idée ne paraissait ni
insensée, ni exigeante dans ces circonstances, en tout cas pas pour moi. Cela
paraissait logique. A la fois dans mon esprit et dans mon cœur, je savais que le
bébé et moi allions tous les deux survivre à cela. J’étais sûre que c’était ce
que la voix avait en fait dit : « Tout va bien se passer », même si je ne
l’avais pas entendu exactement de cette façon. Dans mon cœur, je le savais. Je
mettais ma vie en jeu la dessus. Je n’avais pas le sentiment d’être folle ! je
savais simplement que nous allions survivre. A mesure que je me le répétais, ma
confiance augmentait, ma volonté se renforçait à chacun de mes souffles.
Mon médecin dévoué, sans me quitter des yeux, a calmement essayé de m’expliquer
ce que j’exigeais de lui. Mon idée n’était pas aussi simple et logique pour lui.
Plus il reprenait la rhétorique maintenant familière pour expliquer les
procédures médicales, les faits et les chiffres, plus cela m’amusait. Il était
tellement inquiet pour moi. J’aurais souhaité lui fournir une explication
suffisamment raisonnable pour lui ôter cette anxiété, mais je ne le pouvais pas.
Je ne voulais pas provoquer de gros problèmes, mais c’est exactement ce que
j’étais en train de faire… et de bien faire.
Il a principalement déclaré (caché sous la terminologie médicale) que j’allais
mourir. Il admettait qu’il ne pouvait sauver ni le bébé ni moi si j’attendais
plus longtemps que je prenne la bonne décision. Attendre n’allait rien changer.
Si le bébé mourrait en premier, alors j’allais mourir. A la mort de mon bébé non
encore né, mon corps allait être en état de choc et j’allais mourir, m’a-t-il
dit. Si je mourrais la première, il y avait très peu de chances qu’il puisse
extraire le bébé avant qu’il ne soit mort également. A ma mort mon sang, qui
maintenait alors à peine le bébé en vie, allait cesser de circuler et le bébé
allait étouffer avant qu’il ne puisse faire quoi que ce soit pour l’empêcher.
Ayant lâché cette bombe, il a fait de son mieux pour m’apaiser en terminant la
conversation par ces mots : « Mais je ferai de mon mieux. ».
Je lui ai répondu que je n’attendais ni plus, ni moins de lui. Son visage
exprimait la frustration ou le chagrin, je n’aurais su dire. « Donc, nous
attendons ? » fut sa réponse avec un point d’interrogation à la fin. Sur ces
mots, il quitta la pièce.
* * * *
La douleur que j’endurais depuis des jours, n’était plus sporadique mais
constante et d’intensité croissante. Ce n’était pas un moment où j’aurais choisi
d’apprendre que j’avais un seuil de la douleur élevé. Avant cela, j’avais
toujours cru qu’un humain ne pouvait souffrir que jusqu’à un certain point,
ensuite il s’évanouissait. C’est ce que j’avais vu dans les films. C’est faux !
Je m’attendais à perdre connaissance, j’ai prié pour qu’il en soit ainsi… tout
cela en vain.
Dès lors, il n’y avait qu’un pas pour que je remette en cause ma santé mentale.
Je faisais confiance à des voix que je n’entendais pas très clairement en fait.
Je n’acceptais pas les analgésiques que le docteur, auquel j’aurais dû faire
confiance, voulait me donner pour soulager mes souffrances. Etais-je folle ? Qui
étais-je pour dire à des professionnels bien formés qu’ils avaient tort ?
Voilà ce qu’étaient mes réflexions, mais la dernière pensée restait toujours :
je dois attendre.
Je me suis mise à méditer. J’ai commencé à prendre la douleur, à l’élever hors
de mon corps jusqu’aux dalles de plafond qui m’étaient maintenant intimement
familières. J’ai compté les points et les traces d’humidité qui brisaient la
monotonie de ces dalles de plafond blanches.
Pendant tout cela, j’entendais d’autres femmes entrant et sortant des autres
salles d’accouchement , certaines hurlant de douleur, à différents stades du
travail. Moi je restais là. J’ai subi un grand découragement, perdant une part
de ma confiance et de ma résolution.
Mon docteur a sans doute consulté quelqu’un, il est arrivé en effet peu de temps
après avec une suggestion. Il existait un produit qu’il pourrait injecter
directement dans le col et qui, promettait-il, n’allait pas entrer dans
l’organisme du bébé, il allait cependant pouvoir amoindrir l’acuité de la
douleur que je subissais. Le médecin ne garantissait rien mais il a dit que cela
valait la peine d’essayer. J’ai donné mon accord pour faire la tentative. Cela
fut une petite victoire pour lui. Il est parti en paraissant plus heureux que je
ne l’avais vu depuis longtemps. Il espérait me garder en vie suffisamment
longtemps pour que je décide d’avorter, ainsi que soulager un peu mes
souffrances pendant l’attente.
Alors que le médecin m’aidait à me mettre dans une position embarrassante et
inconfortable afin de pouvoir me faire cette injection, je lui ai demandé si je
ne me comportais pas de façon puérile vis à vis de la douleur. J’avais entendu
une femme dans la salle d’accouchement d’à côté endurer tant de souffrance
qu’elle hurlait de douleur. J’ai dû confesser au docteur que ses hurlements me
rendaient folle. Je lui ai demandé s’il pouvait administrer à cette pauvre femme
quelque chose pour l’aider. Il a ri en disant que la femme d’à côté accouchait
de son troisième enfant et qu’elle avait hurlé à chaque fois. Il m’a affirmé que
je ne me comportais pas comme une enfant, que je ressentais une douleur
d’accouchement multipliée de nombreuses fois. D’une certaine manière, le fait de
savoir que je ne dramatisais pas, que je n’imaginais pas ma souffrance, m’a fait
me sentir mieux. Cela a rendu, en quelque sorte, la souffrance plus facile à
supporter.
Après que le médecin m’ait fait l’injection, je l’ai entendu se rendre dans la
salle où se trouvait la femme qui hurlait, assez abruptement il lui a demandé
d’une voix forte de « baisser d’un ton, il y a une femme mourante dans la salle
d’à côté. ». « Oh, d’accord ! » a répondu la femme. Je n’ai plus entendu de cris
après cela.
J’ai dû admettre que le traitement amoindrissait un peu la douleur. Toutes les
deux heures, nous conversions peu, sinon pas du tout, chaque fois que le docteur
s’employait, à positionner l’aiguille exactement sur le col. Il semble que nous
étions tous les deux en mode attente. J’attendais que le bébé naisse, d’une
façon ou d’une autre. Le docteur attendait d’entendre une seule chose de ma
part : que j’avais fini d’attendre et que j’étais prête pour l’avortement ainsi
que l’avaient suggéré les médecins. Il n’y avait pas place pour une autre
conversation.
Pendant cette période d’attente et de douleur, je me suis retrouvée à méditer
sur tous les aspects de la pièce. Je recomptais sans cesse les dalles de plafond
isolantes, ainsi que les trous dont elles étaient recouvertes. J’écoutais les
bruits et je mémorisais les odeurs. Sans entraînement, j’ai tenté une méditation
de mon crû. Je me suis concentrée sans arrêt afin de transférer la douleur de
mon corps vers ces dalles de plafond ennuyeuses, me poussant presque à la
transe. Je faisais tout et n’importe quoi pour éviter de me focaliser sur la
douleur. J’ai recommencé ce processus encore et encore.
Conserver mes pensées tellement concentrées ailleurs que sur la douleur, ne m’a
laissé aucune possibilité de penser à quoi que ce soit d’autre. Je savais que la
souffrance m’aurait tuée, il me fallait donc me focaliser ailleurs que sur la
douleur et la peur. J’utilisais la même astuce chez le dentiste pour une carie.
Je devais me concentrer sur autre chose que la douleur et la peur, me
transporter, persévérer. Toutes ces journées chez le dentiste trouvaient
maintenant leur aboutissement.
Je n’ai pensé ni à mon mari, ni à ma famille, ni à mes amis. Je n’ai pas pensé
au bébé. Je n’ai réfléchi ni à la vie, ni à la mort. Je n’ai pas prié, ni même
pensé à Dieu. Je n’ai rien fait d’autre que de rester sur ce foutu lit, heure
après heure, me concentrant sur ces dalles de plafond isolante gris/blanc,
emplissant de ma douleur chacune des perforations minuscules.
C’était ma façon de faire face. C’était ma méthode pour ne pas devenir folle.
C’était mon espoir de rester en vie jusqu’à ce qu’on me donne la réponse, sous
une forme quelconque d’un salut promis. Me concentrer et rester en vie était mon
seul but jusqu’à ce que l’injection suivante me fournisse un peu de soulagement
dans ce cauchemar de douleur.
Je n’avais plus la notion du temps. Les infirmières allaient et venaient, je
n’avais peu ou rien à leur dire tandis qu’elles contrôlaient mes signes vitaux.
Le médecin passait et vérifiait que le bébé et moi étions toujours en vie. Je
restais simplement calme, les yeux ouverts et je m’efforçais de survivre.
J’ai dit à mon corps qu’il n’y avait pas de douleur, car elle appartenait
entièrement au plafond, voilà toute la force que j’avais en moi. Je ne cessais
de me dire : « Tu dois attendre encore un petit peu. ». Mais en fait la douleur
était devenue tellement puissante et permanente, qu’à certains moments je
pouvais à peine respirer. J’avais l’impression que j’allais devenir folle. J’ai
alors compris que je devais ajouter un élément sur lequel me concentrer : le
simple fait de respirer.
A l’arrière de ma tête, j’ai commencé à psalmodier les paroles que la voix
m’avait offertes : « Attendre, foi, ne pas craindre, prier ». Mon arrière pensée
commençait à être de lutter pour une cause perdue mais il ne m’était plus
possible ni d’abandonner ni de céder alors que j’avais entamé ce combat. Le
temps passait tellement lentement ou, semblait-il, jusqu’à épuisement. J’ai su
que le médecin était entré dans la chambre, j’étais plus que prête pour
l’injection suivante. J’attendais qu’il m’administre la substance encore une
fois, je me suis alors rendu compte qu’il lui fallait beaucoup trop de temps.
J’ai levé les yeux et j’ai immédiatement remarqué que son regard ne croisait pas
le mien. Quelque chose d’autre se passait mal et cette pensée m’a noué l’estomac
avec encore plus de stress. Il m’a simplement expliqué qu’il ne pouvait plus me
faire d’injections. J’avais atteint la limite. Continuer le traitement allait me
tuer et l’hôpital n’en autoriserait plus l’administration.
Je n’avais pas perdu le sens de l’ironie ! J’étais mourante et ILS ne voulaient
pas faire quoi que ce soit qui pourrait me tuer « prématurément ». Ils ne
voulaient pas que le rapport d’autopsie indique « Mort par surdose de traitement
administré de façon inadéquate. ».
Le docteur s’est assis au bord de mon lit et m’a donné les faits. Il n’était pas
heureux de me fournir ces informations mais il a été laconique, franc et direct.
A son avis, il me restait peut-être deux ou trois heures à vivre. Tout au plus,
je n’allais même pas passer la nuit. Sans les injections pour soulager la
douleur, il pensait que j’allais bientôt en subir toute la puissance. En soi,
cela allait mettre mon corps en état de choc, ce qui allait tout simplement me
tuer. Il n’y avait plus rien que l’hôpital ou lui même puisse faire. Rien ! Je
lui ai demandé si une césarienne était hors de question. Je me raccrochais à un
fil. Il a dit qu’une opération était totalement hors de question. Si on
m’incisait, le choc me tuerait. La seule chose qui me restait à faire, c’était
de……..mourir !
* * *
Je dois admettre qu’avec cette information aucune phrase ne m’est venue à
l’esprit. Qu’aurais-je pu dire ? « Bien, je comprends ce que vous dites, mais ce
n’est pas ce qui va se produire ! ». Je le pensais mais en aucune manière je ne
pouvais le dire.
Jusqu’alors, ce qui s’était passé n’était pas exactement ce à quoi je
m’attendais. Jusqu’alors, je ne savais vraiment pas ce qui allait arriver,
toutefois la mort ne faisait absolument pas partie du marché que j’avais conclu.
J’étais censée attendre et, autant que possible, m’efforcer de survivre, quelque
chose allait ensuite se produire afin que tout se termine bien. Je m’attendais
simplement à ce que toute l’affaire se résolve correctement et pour le mieux.
C’était ce que moi je pensais. Tout comptes faits j’étais très optimiste. Ma
devise jusqu’alors était de faire ce qu’on m’avait dit, de faire beaucoup
d’efforts et d’occasionner le moins de problèmes possibles. Si je faisais tout
cela, alors tout allait bien se passer. Bla – Bla – Bla !
Je n’étais pas encore prête à cesser de vivre. Je n’avais pas encore vu mon nom
sur la liste, mais je ne pouvais pas le dire au médecin. Même si je n’étais pas
prête à crier « Maman » à m’allonger et à mourir, un défaut apparaissait dans ma
cuirasse.
La pièce était très calme et personne ne disait rien. J’avais l’impression que
tous les yeux étaient braqués sur moi, qu’on s’attendait à ce que je prononce de
brillantes dernières paroles. Il me fallait briser le silence. Depuis quelques
temps, à côté de mon lit, une infirmière me veillait en silence. Je me suis
tournée vers elle et je lui ai demandé : « Quel temps fait-il dehors ? ». Une
conversation futile est toujours bienvenue pour briser la glace. Dans le passé,
je m’étais demandé ce que serait la météo le jour de ma mort, la question
n’était donc pas sans motif.
Je me souviens combien l’atmosphère était étrange lors de la mort du président
Kennedy en 1963. Pendant les jours suivant son décès, le temps est devenu
pluvieux et maussade, exactement comme si tout le monde pleurait sur terre,
emplissant le ciel de telle manière que le paradis pleurait avec nous. Je
commençais à plonger dans le mélodrame. Cela ne pouvait être vrai, j’allais
bientôt me réveiller. Je me suis rappelé avoir pensé, en ces tristes jours de
1963, que je voulais une journée ensoleillée, lumineuse et chaude à ma mort, ne
serait-ce que pour soulager ma famille. Le jour était peut-être arrivé où
j’allais savoir si mon souhait allait être exaucé, tant d’années plus tard.
J’ai demandé à l’infirmière le temps qu’il faisait. Elle a répondu avec douceur
qu’en prenant son service, il pleuvait. « Alors, je ne peux même pas mourir par
une journée ensoleillée ! » a été ma simpliste pensée. « Que c’est moche de
devoir mourir un jour de pluie. ». Je n’avais jamais réfléchi au moment de la
journée auquel j’allais mourir, ce fut donc ma question suivante. J’ai demandé
l’heure. L’infirmière a regardé sa montre : « Il est 9 heures. » a-t-elle
répondu. J’ai réfléchi un peu. Puis je me suis rendu compte que j’ignorais s’il
faisait jour ou nuit : « Mais 9 heures du matin ou du soir ? » fut ma réflexion
suivante. J’avais complètement perdu toute notion de date sans parler de
l’heure.
La pièce était tellement calme qu’on aurait entendu une mouche voler, mais il me
fallait poser la question : « Excusez-moi, mais pouvez-vous me dire s’il s’agit
de 9 heures du matin ou du soir ? ».
Pour la première fois depuis un bon moment, j’ai quitté des yeux les dalles de
plafond et j’ai vraiment regardé le visage de l’infirmière. C’est alors que j’ai
réalisé que je pleurais et que cette infirmière dévouée tentait d’essuyer mes
larmes avec un mouchoir en papier. J’ai croisé son regard plein d’empathie
tandis qu’elle me répondait avec douceur.
« Il est 9 heures du soir. » a-t-elle dit. Elle a prestement et délibérément
regardé ailleurs, mais pas suffisamment vite. J’ai entendu un soupir de
tristesse passer ses lèvres tandis qu’elle s’excusait en quittant précipitamment
la pièce. Le médecin a rapidement présenté des excuses pour cette infirmière en
disant que sa réaction n’était pas du tout professionnelle. Cela m’a mise en
colère contre lui à cause de son manque de compassion.
J’avais le cœur lourd pour cette infirmière. Je lui avait fait perdre ses moyens
face à une patiente, moi-même. Et ce docteur n’était pas du tout compatissant
avec elle. Il n’y avait que le règlement pour lui. « Que c’est triste. » ai-je
pensé. Puis mon cœur a saigné pour ce médecin dont, après tout ce temps, je ne
connaissais rien. Je voulais simplement avoir un bébé sans faire de problèmes.
Eh bien ! j’avais vraiment raté mon coup.
Le médecin avait été contrarié que l’infirmière ait perdu son professionnalisme
en montrant ses larmes à une patiente, il me l’avait dit. J’ai rapidement stoppé
ses critiques en lui disant que cela n’avait pas d’importance, que je
comprenais. Mais ensuite j’ai commencé à ressentir de la colère contre toute
cette situation qui tournait tellement mal.
J’étais une femme en bonne santé qui allait mourir en couche aux USA.
Jusqu’alors, j’avais été suffisamment naïve pour croire que ce type de mort ne
se produisait tout simplement plus. J’ai continué à pleurer, ajoutant les larmes
de l’innocence perdue à la collection grandissante de mes pertes.
Le médecin ne parvenait toujours pas à me regarder dans les yeux. Je pense que
s’il l’avait fait, il n’aurait pu retenir ses propres larmes. Il ne pouvait pas
permettre que je le voie. Il ne pouvait pas me regarder en face tandis qu’il
s’asseyait sur le lit près de moi. Il ne parlait pas, mais il n’a pas non plus
quitté la pièce. Nous nous sommes tous les deux simplement enfermés longtemps
dans le silence.
Je me suis mise à examiner cet homme que je n’avais jamais vraiment regardé de
près jusqu’alors. Le médecin paraissait aussi fatigué que moi. Egoïstement, je
n’avais pas réfléchi à ce que cet homme endurait. Il était en train de perdre
une patiente en couche. Il semblait plus âgé et plus petit que lorsqu’il était
arrivé au début afin de partager cette longue épreuve. Cet homme à la forte
volonté luttait maintenant pour contrôler ses émotions avant d’être suffisamment
sûr de lui pour parler, j’attendais donc.
Finalement, le docteur sous un vernis fragile de maîtrise a finalement débité le
discours qu’il avait préparé : « De nombreuses personnes en salle d’attente
souhaitent vous voir. Certaines y sont depuis assez longtemps. Normalement, il
est interdit par le règlement de l’hôpital de laisser entrer dans la salle
d’accouchement d’autres personnes que le mari, mais je vais laisser entrer toute
votre famille et vos amis dans cette salle afin qu’ils soient avec vous. »
Le médecin n’a pas dit qu’il allait amener ma famille et mes amis dans la pièce
pour me regarder mourir, mais cela m’a frappé comme un éclair de terreur au
cœur. Je voulais que personne ne me voit subir ce genre de souffrances. Je
n’avais jamais apprécié qu’on me voit pleurer, alors qu’on reste là à me
regarder mourir… Les cheveux se sont dressés sur ma tête, j’avais la chair de
poule sur tout le corps. J’ai senti la panique se dresser dans ma poitrine telle
une chose vivante.
Je ne pouvais survivre au fait de voir les autres souffrir à cause de moi :
« NON ! » ai-je hurlé, « Je ne veux personne dans cette pièce maintenant ! ». La
pensée de tous ces gens aimés, pleurant ou tentant de ne pas pleurer, me
regardant essayer de maîtriser mes larmes allait faire plus que me tuer. Cela
allait me faire subir la pire des souffrances.
Toute ma vie j’avais essayé de ne pas faire souffrir les autres et maintenant,
la pensée de provoquer tant de souffrance était plus que je ne pouvais
supporter. Je n’étais pas suffisamment courageuse pour cela.
Je devais faire face au fait que jusqu’alors, je n’avais pensé à personne
d’autre que moi. J’avais entendu une voix murmurer d’attendre et j’étais partie
dans ma propre croisade, sans même une parole pour eux au sujet de ce que
j’essayais de faire et pourquoi. J’y pensais maintenant et la douleur qui se
formait au centre de ma poitrine menaçait de m’étouffer. Il me fallait la
ravaler, la maîtriser, afin de pouvoir réfléchir à ce que j’allais faire ensuite
pour traverser cet événement jusqu’au bout. Je n’allais pas pouvoir le
faire en étant entourée par une famille et des amis bien intentionnés mais en
souffrance. Vivre ou mourir, j’ignore comment, je savais que je devais continuer
à lutter seule. Quelle que soit l’issue, le combat allait se terminer bientôt.
J’en étais sûre.
Je n’ai même pas tenté de l’expliquer au médecin. J’ai juste dit que je ne
voulais personne dans la pièce pour « me regarder mourir ». Dieu merci, j’ai pu
être suffisamment énergique pour que le docteur n’argumente pas avec moi. Il
voulait juste savoir ce que je souhaitais qu’il fasse maintenant.
« Je veux que vous m’enleviez tous ces trucs ! » ai-je répondu en regardant le
masque, les aiguilles et les appareils suspendus en hauteur et raccordés à mon
corps. Après un long regard calme, il a légèrement hoché la tête et à entrepris
d’améliorer mon confort. Il a enlevé toute cette technologie raccordée à mon
corps, il m’a aidée à me mettre plus à l’aise dans le lit. J’ai eu l’impression
d’être à nouveau libre.
Quand le docteur a eu terminé de me faire me sentir comme un être humain à
nouveau, il s’est rassis dans la chaise près de mon lit, il a replié les bras et
penché la tête comme en prière. J’ai attendu qu’il parle, puis j’ai réalisé ce
qu’il faisait mais j’avais besoin de l’entendre de sa bouche, je le lui ai donc
demandé. Sa réponse a été simple. Il allait rester avec moi tout le temps
jusqu’à ma mort. Point final.
Bien que partant d’une bonne intention, cela ne faisait apparemment pas partie
du plan, en effet, j’en étais furieuse. J’ai entamé un long discours qui
provenait d’une partie de moi-même occultée depuis longtemps. « Tom, » ai-je
dit, « vous êtes un homme bon, mais vous n’êtes que cela : un homme ! Vous
n’êtes pas Dieu ! Vous avez fait tout ce que vous pouviez pour moi, cette
affaire n’est plus entre vos mains maintenant. Je veux que vous rentriez chez
vous, que vous soyez avec votre famille. Oubliez que vous m’avez rencontrée. Ma
vie est entre les mains de Dieu maintenant. S’il vous plaît ! ----- Rentrez chez
vous ! »
Le médecin n’a pas bougé. Il n’a fait que me fixer comme s’il venait de
découvrir une grenouille à deux têtes dans le lit d’une patiente. Il a semblé
vouloir parler, puis, quoi qu’il ait eu en tête il s’est ravisé, il a baissé à
nouveau la tête en silence.
J’ai lancé une seconde tirade : « Ecoutez Tom, vous ne m’avez pas entendue ?
Rentrez chez vous ! Je veux que vous partiez maintenant. Vous ne pouvez plus
rien faire pour moi, donc rentrez chez vous. ». J’ai continué à parler de plus
en plus vite et fort. J’essayais de le persuader de partir et j’avais
l’impression de n’avoir aucune chance. Il était important que je sois seule. Je
n’étais pas sûre de la raison, mais dans mon cœur, être seule est devenu ma
nouvelle bataille.
Le médecin, a tenté de maîtriser à nouveau la situation, il m’a déclaré : « Je
vais rester avec vous ! Je ne vais pas laisser une patiente mourir seule ! » Les
mots sortaient lentement de ses lèvres tremblantes, je voyais sa frustration et
sa grande colère contre moi. C’était une expérience difficile à traverser pour
lui et je le comprenais. Mais il semble que j’étais censée rester seule car mon
entêtement était fort, sans aucune échappatoire. Je ressentais désespérément le
besoin d’être complètement seule.
Sans laisser paraître mon désespoir, mais seulement à quel point j’étais
déterminée, je lui ai dit : « Je ne serai pas solitaire Tom, je vous le
promet. ». J’ai été surprise d’entendre ces mots sortir de ma propre bouche. Cet
homme me disait la vérité, j’allais mourir, mais devais-je le croire ? Avais-je
mal interprété ou mal compris quelque chose ? Mes propres larmes menaçaient de
me noyer. Pour la première fois j’ai compris que je n’allais pas être seule
parce que j’allais être avec Dieu. J’allais mourir.
J’ai alors su que je devais parler à Dieu. Je n’allais pas entrer « en douceur
dans la nuit. » J’avais beaucoup de choses à dire à Dieu, des mots comme
« malhonnêteté et duperie ». C’était des choses qu’il me fallait dire en privé
avant de pouvoir accepter cette sentence de mort.
« Je veux que vous rentriez chez vous, Tom. Je veux que vous y alliez
maintenant. En partant, éteignez la lumière et fermez la porte. J’ai besoin de
temps pour me préparer. ». Voilà ce que j’ai dit au médecin de la voix la plus
forte et la plus ferme dont j’aie pu m’exprimer entre mes larmes. Je détestais
mes larmes. Pour moi c’était une faiblesse, et qui plus est totalement
contre-productive pour ce que je tentais de faire.
Je disais des choses que je ne comprenais pas complètement. Je savais simplement
que ces mots étaient censés communiquer mon souhait de solitude. Il était
évident que le médecin ne voulait pas partir. Il voulait rester avec moi, ou
prier avec moi, ou faire tout ce que je pourrais lui demander aussi longtemps
que j’allais le laisser rester. Pour une raison quelconque, il était plein d’une
culpabilité qu’il n’aurait jamais dû juger nécessaire de porter. J’ignore
comment, j’ai pu convaincre le docteur de partir, mais pas sans combattre.
Il a clairement dit qu’il serait juste derrière la porte, au cas où je
changerais d’avis et que je veuille que ma famille soit avec moi (ou d’ailleurs
quoi que ce soit d’autre). Je ne cessais de lui répéter encore et encore de
rentrer chez lui.
Avant de quitter la pièce, il a lentement enlevé le bouton d’appel de son
support sur le mur et l’a placé dans la paume de ma main. Il a replié mes doigts
autour. « Bien, écoutez-moi, tout ce que vous avez à faire, c’est d’appuyer sur
ce bouton et j’arrive immédiatement, d’accord ? Bon, alors on est d’accord ! je
serai juste derrière cette porte. Souvenez-vous, si vous souhaitez ou avez
besoin de quoi que ce soit, je serai là. Appuyez juste sur le bouton. »
répétait-il sans cesse tout en se dirigeant vers la porte avec réticence.
Voyant que j’étais proche de voir mon souhait de solitude se réaliser, je lui ai
promis avec reconnaissance : « Je ferai comme vous me dites. J’appuierai sur le
bouton si je veux ou si j’ai besoin de quelque chose, c’est promis. Maintenant
partez, s’il vous plaît, éteignez la lumière et n’oubliez pas de refermer la
porte derrière vous. ». Enfin, les lampes du plafond de la salle se sont
éteintes, la porte s’est refermée lentement sur un médecin perturbé. J’étais
seule.
Lorsque la porte s’est refermée, la pièce a été plongée dans l’obscurité totale.
Au début ce fut un choc. J’ai senti la panique me submerger telle une brume
vivante. « Stop ! » ai-je dit, tentant de me raisonner. Je n’avais jamais eu
peur du noir auparavant. En fait, j’avais toujours trouvé que l’obscurité était
réconfortante et appréciable. Le noir avait été un ami paisible pour moi. Je
n’avais aucunement l’intention de laisser maintenant mon esprit transformer
l’obscurité en un endroit effrayant pour moi.
J’ai lentement et méthodiquement parcouru la pièce des yeux, l’ayant gravé dans
ma mémoire lorsque la lumière était allumée, je n’ai rien vu d’autre que
l’obscurité totale. J’ai jeté un coup d’œil vers la porte fermée qui donnait sur
le couloir, lorsque mes yeux ont été complètement accoutumés, je n’ai même pas
décelé une petite bande de lumière filtrant par en dessous. J’ai levé la main,
la tenant juste à hauteur des yeux, j’ai enfin perçu l’humour dans
l’expression : « Il faisait tellement noir qu’on n’y voyait pas à deux pas. ».
Mon sens de l’humour est revenu. Je n’avais pas souvenir de m’être trouvée dans
une telle obscurité auparavant. « Qu’il est drôle que ma dernière découverte
avant de mourir soit ma rencontre avec le noir complet. » Ai-je pensé.
Tandis que je me calmais, j’ai tourné mes pensées vers la mort. Je ne trouvais
là aucun humour. Le médecin devait avoir tort. Je n’étais pas en train de
mourir. Tout cela n’était qu’une grossière erreur. Pourtant j’en étais là. J’ai
essayé de me souvenir de la manière dont tout avait commencé. Bon, qu’est-ce que
la voix a dit ? Elle disait : « attendre, » et quelque chose d’autre. Il fallait
que je me souvienne, je devais l’entendre à nouveau afin de savoir quoi faire.
Je devais bien pouvoir encore faire quelque chose, même allongée sur ce lit
d’hôpital ?
« Prier » a crié la voix dans ma tête. J’avais la réponse à ma question.
* * *
Je n’avais jamais eu le sentiment de bien savoir prier. Si les mots ne sonnaient
pas comme s’ils étaient extraits des pages de la bible de Jacob, ils ne me
paraissaient pas assez bons pour moi. J’ai quand même voulu essayer. Je me suis
mise à prier.
« Seigneur je t’en prie ; je suis mourante. Je ne veux pas mourir. Viens et
guéris-moi, je t’en prie. »
Je priais à voix haute et j’entendais l’écho de ma voix sur les murs. Au début
le son m’a gêné, mais ensuite il m’a réconforté. Si je pouvais ouvrir la bouche
et entendre le son en sortir, alors j’étais encore en vie. J’avais besoin de
faire du bruit car je voulais me concentrer sur le son afin d’y mettre ma
douleur au lieu du plafond maintenant.
Laissant échapper un long soupir de déception, je me souviens avoir pensé :
« Cela ne va pas marcher, j’ai l’air tellement stupide. ». Je ne me sentais pas
à l’aise avec ce genre de prière, cela ne me correspondait tout simplement pas.
J’ai décidé de mettre la prière de côté pour un temps.
Je me suis mise à chanter. Je chantais en direction de ces fameuses dalles
d’isolation que j’avais emplies de tant de douleur. Elles n’étaient pas visibles
dans le noir mais je savais qu’elles étaient toujours là, pleines de souffrance,
attendant maintenant que je les remplisse de sons. J’ai donc chanté.
J’avais changé ma méditation et ma concentration en déplaçant ma douleur dans
chaque son. J’ai alors empli chaque trou de chacune des ombres de la salle. Les
paroles et la mélodie des chants montaient alors vers le plafond, traversaient
le toit vers le ciel et les oreilles de Dieu. Il me fallait sortir la douleur de
mon corps épuisé et tourmenté, je l’ai donc envoyée alors vers Dieu.
Je n’avais pas passé beaucoup de dimanches à l’église dans ma vie, mais j’avais
appris quelques chants (en tous cas c’est ce que je pensais). J’ai chanté :
« Jésus aime les petits enfants du monde. ». Bien que j’aie pu commencer bon
nombre de chants du catéchisme, il est vite devenu évident que j’avais vraiment
des problèmes pour me rappeler de toutes les paroles, sans parler de la mélodie.
Me concentrer sur les chants ne soulageait absolument pas ma souffrance. Chanter
ne m’aidait pas ! Tandis que la douleur augmentait, ma capacité à me souvenir de
quoi que ce soit s’amenuisait, à part inspirer et expirer.
« Continue à respirer ! Continue à respirer ! Si tu respires encore, tu es
toujours vivante » me rappelais-je à moi-même.
J’étais passée des chants du catéchisme aux chants de noël, pourtant ma tâche
n’en était pas plus facile. Etant incapable de me rappeler les simples paroles
des chants de noël, ma frustration avait augmenté et mes pleurs ne me
facilitaient pas la respiration. J’ai dit dans la pièce sombre : « Seigneur, tu
sais ce qui est en mon cœur et mon esprit, même si je ne peux pas l’exprimer.
S’il te plaît Seigneur, entends ma prière ! ».
Il était alors plus qu’évident pour moi que j’étais mourante, qu’aucun grand
chevalier blanc n’allait venir dans cette salle lugubre et me sauver. Admettre
la vérité fut ravageur. J’étais en train de mourir. J’avais de la difficulté à
respirer, à penser, à parler, à me souvenir ou même à soulever la main pour
essuyer les larmes sur mon visage.
La douleur était devenue tellement forte qu’elle roulait en vagues balayant tout
mon corps, de la tête aux pieds. Chaque vague menaçait de m’arracher à cette vie
et de me jeter dans les bras de la mort, mais je persistais à lutter, espérant
toujours un miracle quelconque. Miracle dont je pensais qu’on nous l’avait
promis.
Dans cette brume de douleur, je me suis rendu compte que j’avais totalement
cessé de chanter. Ayant toujours le sentiment qu’il me restait encore quelque
chose à faire, j’ai recherché dans mon esprit, m’efforçant de me rappeler
certains versets de la bible que j’avais appris en camp d’étude biblique. Je me
suis mise à réciter des versets de façon audible dans le silence obscur, mais la
douleur ne me permettait pas de m’en souvenir. Même en faisant tous les efforts,
j’arrivais à peine à me rappeler d’une ligne ou deux.
J’ai été forcée de me confronter à une certitude. Je ne pouvais plus vivre avec
la douleur. Il valait mieux mourir que souffrir ainsi. Mourir n’était plus à
redouter. Je craignais alors plus la douleur que la mort. J’avais combattu la
mort autant que je l’avais pu ; j’étais maintenant quasiment prête à l’accepter.
J’étais prête à prier.
« Notre Père qui es aux cieux. Que ton nom soit sanctifié. Que ton règne vienne.
Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel… »
J’ai subi un blanc dans mes pensées. La douleur ne me laissait même pas dire un
dernier « Notre Père ». J’ai essayé encore et encore. Pendant un court instant,
l’espace d’un battement de cœur, une frustration et une colère telles m’ont
submergée qu’elles l’ont emporté sur la douleur atroce.
« Comment as-tu pu laisser cela se produire ? » ai-je crié à Dieu. « Je suis
trop jeune pour mourir ! Mon bébé n’est même pas encore né ! Pourquoi ne peux-tu
nous laisser vivre ? Qu’avons nous fait de mal ? Pourquoi me fais-tu cela ?
Suis-je punie à cause de quelque chose ? » ai-je crié dans la pièce vide dans
une flambée de rage.
Désespérée, j’ai tenté de me calmer afin de pouvoir penser suffisamment
longtemps pour faire un marché avec Dieu.
« Mon Dieu ! Tu pourrais laisser vivre le bébé et prendre ma vie ! Qu’en
penses-tu, est-ce possible ? Mon Dieu ! Tu pourrais me laisser vivre et j’aurais
d’autres bébés. Je pourrais passer ma vie à ton service. Est-ce possible ? Non,
idiote, on ne peut pas marchander avec Dieu ! J’ai dû apprendre cela au
catéchisme non ? Est-ce vrai mon Dieu, tu ne marchandes pas ? » ai-je plaidé
dans cette pièce déserte.
« Dieu fait ce qu’il fait pour une raison mystérieuse. Lui seul le sait. Ce
n’est pas à moi de mettre en question ce que Dieu fait.» ai-je continué, dans
une tentative de me convaincre et d’abandonner ma déception et ma colère.
Puis, en guise de réconfort ou prix de consolation, j’ai soudain compris cette
voix paisible qui me murmurait au début de cette longue épreuve : « Tu mourras,
mais n’aie pas peur ! Attends, aie foi, ne crains pas, prie – meurs. »
Maintenant j’entendais tout clairement. Si j’avais tout entendu distinctement la
première fois, les choses se seraient certainement passées différemment ai-je
théorisé.
« Tout cela c’était pour mourir ? » ai-je dit hargneusement dans la pièce vide.
« Mon Dieu, c’est mon heure pour mourir, que cela me plaise ou non ? ». J’ai
tenté de me calmer, « Bon, très bien, je vais mourir alors ! »
« Seigneur bien-aimé, tu sais que je t’ai toujours appartenu, donc, avec
beaucoup de réticence et un grand chagrin, je remets mon âme entre tes mains. »
J’ai entamé ma prière finale avec colère et peine. « Seigneur, mon âme
t’appartient. Tu peux la reprendre maintenant. Je suis désolée de ne pas avoir
été la fille parfaite que j’aurais dû être. » ai-je dit en pleurant. Mon Dieu,
je te donne aussi mon bébé. Je suis prête, fais donc vite et arrête cette
douleur ! ».
Je me suis mise autant à l’aise que possible sur ce lit d’hôpital. J’ai tenté
d’arrêter mes pleurs et j’ai vidé mon esprit. Lorsque j’ai senti que mon corps
et mes pensées étaient aussi calmes que possible compte tenu des circonstances,
j’ai commencé à me concentrer sur la douleur. J’ai laissé la totalité de la
souffrance m’envelopper. J’ai serré les dents et laissé la douleur se saisir de
ce qui restait de moi. J’ai vu retomber en moi toute la souffrance que j’avais
chassée dans les dalles de plafond, dans les cieux et vers Dieu. J’ai lutté pour
étouffer les hurlements qui menaçaient de s’échapper de mes lèvres.
Puis, très rapidement tout s’est terminé. Je suis morte.
* * *
En un instant, j’ai été transportée dans un tunnel ou un couloir empli d’une
belle et pure lumière bleue/blanche. Elle était tellement vive qu’elle aurait dû
me blesser les yeux, ce n’était pourtant pas le cas.
J’ai baissé les yeux vers mon corps et découvert que j’étais habillée d’une
longue robe blanche. J’étais debout, fixant mes pieds nus, cherchant dans mes
pensées si je pouvais me souvenir comment j’étais passée d’allongée sur le dos
dans un lit d’hôpital à debout dans cet endroit nouveau et magnifique. J’ai ri à
la vue de mes pieds nus.
Je n’avais pas peur. J’étais pleine de joie et d’émerveillement. Je me rappelais
parfaitement de tout ce qui s’était passé avant que je n’entre dans cet endroit
de lumière. Je savais absolument qu’il s’agissait de la première minute d’une
nouvelle et magnifique journée. Je ne pleurais pas, je riais.
J’ai commencé à faire une check-list mentale. Suis-je enceinte ? J’ai abaissé
mon regard sur moi-même : « Non ! » je l’ai biffé. « Est-ce que je ressens de la
peur, de la douleur, du chagrin, de la frustration, de la confusion et de la
colère ? NON ! » J’ai tout rayé.
Que ressentais-je donc ? J’étais heureuse, au chaud, détendue, confiante, aimée,
on s’occupait de moi et j’étais très curieuse et en attente. J’étais heureuse de
simplement me trouver où on m’avait placée avec tant de douceur et d’attention,
baignant simplement dans la chaleur et le confort que fournissait cette lumière.
Je ne souffrais pas, j’aimais cet endroit. J’étais aimée. Quelque chose de
merveilleux se produisait et plus restait à venir. Je le sentais.
Ma curiosité s’est décuplée. « Suis-je vivante ou morte ? Qu’est-ce que cet
endroit, le paradis ? » Je ne cessais de me poser des questions sans réponses.
Je me suis torturé l’esprit en essayant de me rappeler d’une leçon de catéchisme
apprise dans l’enfance, traitant de la mort ou du paradis. La pensée que cet
endroit merveilleux soit l’enfer ne m’a absolument pas traversé l’esprit, je
n’avais jamais étudié le purgatoire. A ce moment là, je n’étais pas sûre de ce
que c’était censé être.
« Voyons les portes nacrées ? Rien ! » ai-je pensé en démarrant une autre
check-list. J’ai regardé aussi loin que possible dans la lumière et je n’ai rien
vu ressemblant de près ou de loin à l’ombre d’une porte. « Des anges ? » ai-je
pensé, « Non, aucun non plus. »
Je ne voyais rien d’autre que la lumière depuis l’endroit où je me trouvais. Le
seul fait alors à ma connaissance, c’était que cette lumière rayonnante et
impressionnante s’occupait de moi, me caressait, et m’enveloppait.
Je ne me sentais ni solitaire ni fatiguée. Je me sentais aimée et protégée.
J’étais à l’aise et sereine. Je me sentais vivante, vraiment vivante mais je me
souvenais que quelques secondes auparavant j’avais grincé des dents de douleur,
sachant que j’allais mourir. J’avais prié pour que la mort me prenne en pitié et
fasse rapidement son œuvre.
Je me rappelais tout ce que je venais de traverser, j’avais donc cette
conviction en moi-même : « Je suis morte. ». Et ce n’était pas si mal. En fait
je pensais que c’était très bien.
Le seul mystère était alors : que va-t-il se passer ensuite ? J’étais prête, je
souhaitais et je pouvais le découvrir.
J’ai eu le souvenir d’avoir entendu dire que lorsqu’on meurt, des membres de la
famille, décédés avant vous, se rassemblent pour vous Accueillir. Allaient-ils
venir et m’accompagner au paradis ? Je l’ignorais, j’ai donc simplement attendu.
J’ai attendu que quelqu’un vienne à ma rencontre et me montre le chemin vers le
paradis. Qui cela pouvait-il être, ai-je pensé. Je ne parvenais pas à me
souvenir d’un seul membre de ma famille qui serait décédé, que je reconnaîtrais
et qui me connaîtrait. J’ai continué à réfléchir : « Qui va donc venir pour
moi ? ».
« Un ange peut-être ? » J’ai envisagé la possibilité qu’en l’absence d’un membre
de la famille pour me guider, un ange allait le faire. J’ai commencé à me poser
des questions. L’ange allait-il être de sexe masculin ou féminin ? Allait-il
avoir des ailes ? Allait-il arriver en volant ? Allait-il m’appeler par mon
nom ? Tant de questions et si peu de réponses. La pensée de voir un ange
m’enthousiasmait. Cet endroit m’exaltait et me donnait de l’énergie. Mais aucun
ange n’est venu.
J’étais prête pour l’étape suivante, quelle qu’elle soit. Mon esprit continuait
à galoper, je me posais des questions puis je tentais d’y répondre. Quelle
théologie va se révéler être juste au paradis ? De quelles histoires du
catéchisme dois-je me souvenir ? Dois-je rester ici et continuer à attendre des
instructions ou dois-je progresser seule et voir ce qui va se passer ? J’avais
encore beaucoup d’autres questions mais toujours aucune réponse. Le fait d’avoir
tant de questions m’amusait et me faisait sourire. J’étais comme un enfant
exubérant se préparant pour sa première visite à la confiserie, tout excité d’y
aller.
J’ai attendu, calmé mes pensées et simplement passé du temps à écouter ce calme.
Il n’y avait absolument aucun son. J’étais enveloppée par un silence incroyable.
Je me suis rendu compte que jamais de ma vie je n’avais vécu sans bruit. Dans
cet endroit le silence était absolu. Lorsque j’étais vivante, il y avait du
bruit même dans l’endroit le plus tranquille que j’aurais pu trouver. Le son de
ma propre respiration et les battements de mon cœur. De petits bourdonnements
dans les oreilles ou les gargouillis du système digestif auraient sonorisé
l’endroit le plus tranquille. Mais là, il n’y avait que ce silence paisible.
J’aimais cela !
Tout comme il n’y avait aucun son dans cet endroit de lumière, il n’y avait pas
de mouvement. De là où je me trouvais, le tunnel paraissait infini. Je ne voyais
ni porte ni fenêtre, ni plafond, ni installation de quelque sorte que ce soit.
Il n’y avait ni ombre ni mouvement qui aurait pu attirer mon attention. Mais cet
endroit ne paraissait absolument pas vide. Il était plein de vie, j’ai donc
cessé de jouer au jeu des 1000 Euros avec moi-même, je me suis lancée dans
l’aventure pour trouver des réponses. Je m’étais toujours posé des questions
dans la vie, pourquoi en aurait-il été autrement dans la mort, n’est-ce pas ? Je
ne savais pas à quoi m’attendre, mais je n’avais pas peur de le découvrir.
J’ai décidé de commencer ma recherche en marchant directement vers le centre du
tunnel, pour avoir une meilleure idée de sa taille et de sa longueur. J’ai gardé
les yeux ouverts et les oreilles aux aguets tandis que je marchais joyeusement
vers le centre du tunnel en criant : « Hé Ho, il y a quelqu’un ? ». Je
m’attendais à ce que quelqu’un apparaisse d’une seconde à l’autre et se
présente, peut-être Saint Pierre ?
J’ai marché pendant un moment jusqu’à ce que j’aie l’impression d’être au milieu
du tunnel. Bien sûr, je n’avais aucun moyen d’en être sûre, mais j’étais
satisfaite. Je me suis arrêtée et j’ai commencé à regarder le tunnel dans le
sens de la longueur afin de voir si quelque chose se tenait dans la lumière
brillante. Encore rien. J’ai donc décidé de simplement progresser au centre pour
voir ce que je pouvais discerner.
Avant que mes pieds ne traversent la longueur d’un premier terrain de football,
je me suis retrouvée en l’air. J’ai eu l’impression que des élastiques
gigantesques m’entouraient la taille, qu’avec le dernier pas en avant j’avais
atteint la limite de l’élasticité de ce lien. J’ai été arrachée tellement vite
et tirée en arrière si rapidement que j’ai été pliée en deux, mes doigts
pouvaient quasiment toucher mes orteils. Je me suis sentie balayée vers
l’arrière à grande vitesse.
Je n’ai pas eu le temps de me demander où j’allais, ni pourquoi, j’ai découvert
que j’étais revenue à l’hôpital, j’avais été replacé dans la salle
d’accouchement, suspendue horizontalement, en apesanteur au dessus de mon propre
corps.
J’ai fermé les yeux tandis que mon corps entamait un mouvement de flottement
d’avant en arrière comme une plume qui descend avec légèreté vers le sol. Au
début je n’ai pas du tout eu l’impression d’avoir été replacée dans mon corps,
mais toutes les sensations sont revenues lentement. Tout d’abord j’ai senti mes
mains, puis mes pieds, puis tout le poids de la chair et des os reposant sur le
dos dans le lit d’hôpital. J’ignorais combien de temps j’avais été hors de mon
corps. Je savais que cela pouvait avoir été court mais durant cette période,
j’avais perdu la sensation de poids et de masse. Mon corps paraissait maintenant
extrêmement lourd et inconfortable. J’entendais ma respiration, mes battements
de cœur, je sentais le gonflement des poumons dans la poitrine. J’entendais des
sons qui pénétraient dans la chambre en provenance du couloir, en passant sous
la porte fermée.
J’étais revenue dans mon corps et le monde bruyant m’agressait les oreilles.
Cela ne m’intéressait pas du tout et je me suis à nouveau posé des questions :
« Suis-je en vie ? Suis-je de retour à l’hôpital ? ». Je sentais mon corps mais
je ne souffrais pas du tout. La question numéro un était donc : « Que viens-je
donc de vivre ? ».
A travers mes yeux clos, je voyais de la lumière, un forte lumière. Réponse
numéro un : « Je suis en vie ! Je me suis sans doute simplement endormie. J’ai
rêvé. » J’ai ri de moi-même intérieurement. « Le médecin a dû revenir dans la
chambre et allumer la lumière, en le faisant cela a interrompu mon rêve
merveilleux. J’avais vraiment besoin de dormir. Je me sens mille fois mieux ! Il
a dû revenir pour vérifier si je suis morte maintenant .» ai-je pensé avec
amusement.
J’ai attendu, écoutant le médecin, guettant le contact de ses mains. J’ai
cherché à savoir si ma peur de cette réalité ou de la mort était revenue.
Absolument rien pour le moment. La joie et la paix que j’avais éprouvées dans le
rêve persistaient encore, alors même que j’étais complètement éveillée depuis
plusieurs minutes.
J’ai recherché une sensation d’épuisement ou de douleur que je n’ai pas décelée,
j’ai donc ouvert les yeux afin de voir le médecin et lui parler. J’ai levé les
yeux vers le plafond que j’avais mémorisé pendant des heures, emplissant les
petites perforations des dalles isolantes avec ma douleur, j’ai découvert que la
lumière n’était pas allumée. Cela m’a surprise. Je n’étais pas censée vivre un
jour de plus, c’était pourtant le cas. « C’est sans doute le matin. » ai-je
pensé.
La pièce était totalement illuminée par une lumière blanche agréable. Je me suis
dit qu’il devait s’agir d’une nouvelle matinée et qu’un soleil radieux devait
déverser sa lumière par la fenêtre de la salle. « Quelle façon agréable de se
réveiller et de commencer une nouvelle journée. » me suis-je dit.
L’adrénaline a inondé mes veines lorsque je me suis rendu compte qu’il n’était
pas possible que le soleil matinal illumine la pièce. Je me suis assise toute
droite dans le lit.
J’ai pris acte de la situation. « Je suis totalement réveillée. Je ne rêve pas.
Je suis toujours enceinte. » J’ai jeté un coup d’œil à la porte de la salle pour
voir si elle était toujours fermée. Elle l’était. J’étais toujours à l’hôpital
dans une salle d’accouchement localisée au centre du cinquième étage. Dans la
pièce, il n’y avait pas de fenêtre qui aurait permis au soleil de pénétrer. Non,
pas même une seule.
La lumière n’était pas allumée mais je pouvais compter chaque petit creux ou
défaut dans le sol, les murs et le plafond. J’ai lentement examiné l’intégralité
de la pièce. Tout y était. L’évier, la paillasse, la perche métallique qui
soutenait la poche de liquide « viande et pomme de terres », sous celle-ci
pendaient les tubes transparents qui avaient été reliés à mon bras. J’ai alors
remarqué la douleur à la main et au bras, là où les aiguilles étaient restées
bien trop longtemps. J’ai examinée ma main enflée. Je pouvais tout voir
parfaitement dans cette lueur blanche et brillante.
La seule différence dans la pièce, c’est qu’il ne s’agissait plus d’un espace
froid, hostile et effrayant. La brillante lumière blanche qui emplissait la
salle avait amené cette transformation. Il s’agissait de la même lumière que
celle de mon rêve. Elle emplissait la salle d’une telle brillance qu’elle aurait
dû me blesser les yeux, mais ce n’était pas le cas et … je n’étais pas seule.
* * *
J’ai entendu et ressenti une voix tonitruante : « TU NE PEUX ME LE DONNER CAR IL
EST DEJA MIEN ! ». Les mots résonnaient dans ma tête et mes oreilles. Le bruit
faisait vibrer mes dents. Les paroles secouaient mon corps, me faisant m’asseoir
encore plus droite dans le lit. Je n’avais aucun doute, absolument aucun sur qui
j’étais, l’endroit où je me trouvais et sur le fait que j’étais tout à fait
éveillée et vivante. J’accordais toute mon attention à cette voix désincarnée.
Elle émanait de la lumière brillante qui emplissait la pièce et inondait mon
lit.
Avant de pouvoir ouvrir la bouche et poser les questions les plus évidentes,
l’impact et le sens intégral de ces paroles retentissantes ont commencé à
inonder mon cerveau plus vite que je ne pouvais en saisir tout le sens. J’étais
un ordinateur qui bénéficiait d’un téléchargement tout neuf.
Il était répondu librement à des questions que je n’avais pas encore formées
dans mes pensées, sans que j’aie à les poser. Je n’allais pas mourir (au moins
pas ce jour là). Mon bébé était un garçon qui non seulement n’allait pas mourir,
mais encore n’allait pas avoir de dommages au cerveau. Ce bébé que je portais
toujours dans mon corps, allait naître en vie, intègre et sain. Il allait naître
par césarienne.
J’avais correctement entendu le message, je devais « Attendre, avoir la foi, ne
pas craindre, prier et mourir. ». J’avais observé la plupart de ces choses. Je
l’avais fait à contrecœur bien sûr mais cela n’entrait pas en ligne de compte.
C’était un message incroyable.
J’ai aimé ce que j’entendais et j’étais prête à en entendre plus encore, les
larmes de joie coulaient sans retenue sur mon visage, je n’ai même pas essayé de
les arrêter. J’ai absorbé toutes les informations que je pouvais retenir, elles
ont continué d’affluer.
Dieu nous donne des enfants mais jamais ils ne nous appartiennent, ils Lui
appartiennent. Il nous a été accordé le privilège de les élever, de les
instruire et de les aimer pour une courte période seulement, nous devons ensuite
les laisser faire l’expérience du monde. Nous devons remettre nos enfants entre
les mains de Dieu, que leurs vies dans ce monde durent l’espace d’une brève
respiration ou aussi longtemps qu’une centaine d’années.
Chaque vie intervient dans ce monde avec un but, un plan et un motif pour
naître. Nous pouvons totalement ignorer ce qu’est le plan de nos vies, mais Dieu
le sait.
Des anges sont envoyés à chacune des personnes nées sur cette planète, afin de
délivrer le message de la présence de Dieu parmi nous. Les anges nous parlent et
tentent de nous aider à accomplir notre dessein dans cette vie. Nous devons
apprendre à écouter, être capables de faire ce qu’il faut pour trouver le
silence en nous-même.
La mort… même le chemin le plus horrible, cruel et vil que l’on puisse emprunter
avant le moment de sa mort a un but. La mort d’un seul peut sauver de nombreuses
personnes (ceci a de très nombreux sens que l’on m’a montrés). La mort quelle
qu’elle soit n’est pas une punition, ce n’est jamais une punition. La mort c’est
fermer les yeux et marcher à nouveau dans la vie. La mort c’est retourner au
commencement. La mort c’est le début, pas la fin. Dieu ne provoque pas notre
mort, nous l’acceptons. Nous l’avons acceptée il y a très très longtemps, dès
notre création en tant qu’êtres spirituels. Dieu prend acte que nous avons
choisi de quitter cette vie. Il est rare qu’Il ne nous permette pas de mourir au
moment que nous avons choisi. Il nous a été accordé le don (ou la malédiction)
du libre arbitre et cela ne change pas lorsque nous prenons la décision de
mourir. C’est notre droit de rester en vie aussi longtemps que nous le pouvons,
au niveau spirituel s’entend, j’ai lutté pour cette vie.
J’étais en extase. Mon miracle s’était produit et bien plus encore. Il était
répondu à tant de mes questions, j’avais même des réponses à des questions
auxquelles je n’avais pas encore pensé. Mais je voulais plus encore. Je sentais
la présence d’êtres debout autour de mon lit, à portée de main. J’avais tant de
questions. Je ne pouvais voir ni visage ni silhouette, juste cette exquise
lumière, les voix sont devenues claires comme de l’eau de roche.
Une autre voix a commencé à se distinguer. Elle m’était très familière. Je
l’avais entendue toute ma vie. J’ai pensé qu’elle avait la même intonation que
la mienne. En entendant les paroles, j’ai été emplie de souvenirs nets. C’était
ma vie passée qui défilait devant mes yeux tels des dessins animés que j’avais
vus ? C’était remarquablement proche. Je pouvais voir, sentir, entendre et vivre
le passé, totalement en tant qu’observateur cependant, sans peur.
Un exemple de ce que j’ai revécu s’est produit alors que j’étais enfant, mais
cette fois j’ai pu voir l’ange qui se tenait derrière moi, la main posée sur mon
épaule droite. L’ange, mon ange me parlait doucement.
« Est-ce que tu vois la petite fille blonde là bas de l’autre côté du terrain de
jeux » a murmuré la voix.
« Oui je la vois. » ai-je répondu en pensée. « Je ne l’ai jamais vue à l’école
avant. Elle doit être nouvelle. ». Je pensais répondre à mes propres pensées, à
ma propre voix.
« Elle a un drôle d’air. » Je me suis rappelé m’être demandé si elle était
malade. Elle avait des ronds noirs sous les yeux.
L’ange a continué à parler à mon esprit, paraissant être ma propre voix.
« Pourquoi n’irais-tu pas lui parler ? Elle à l’air tellement seule et effrayée,
non ? »
« Lui parler, pourquoi ? Elle n’est pas dans ma classe. J’ai peur. Je n’aime pas
parler aux gens que je ne connais pas. Je ne sais pas quoi dire. ». J’ai
continué ce que je pensais être une conversation avec moi-même. Les enfants
peuvent être redoutables et cruels, je n’étais pas différente. Mais l’ange a
insisté.
« Va simplement jusqu’à elle, tends la main et dis bonjour. Dis-lui ton nom,
demande-lui le sien. Cela ne va pas te faire mal. Elle a besoin d’un sourire.
N’aie pas peur, elle ne te fera pas de mal. ». L’ange parlait avec douceur puis
il m’a légèrement poussée en direction de la petite fille.
J’ai écouté, je me suis déplacée lentement, mais j’ai finalement traversé la
cour de l’école jusqu’à la fille blonde. J’ai tendu la main et avec beaucoup de
gêne, je me suis présentée. Nous avons juste parlé brièvement pendant la
récréation, elle m’a dit qu’elle n’était pas allée à l’école pendant une longue
période car elle avait eu la polio. Ainsi que l’ange l’avait dit, elle se
sentait seule et effrayée, j’ai pu voir dans ses yeux que le simple fait de
bavarder avec moi lui donnait de la force et calmait ses peurs. En voyant
qu’elle avait tout autant peur que moi des situations inaccoutumées, cela
m’a mise plus à l’aise et rendue moins maladroite. Cela m’a aussi fait me sentir
plus courageuse et importante.
Alors que j’entrais dans ma salle de classe et elle dans la sienne, je me
souviens m’être rengorgée, m’être félicitée pour avoir surmonté ma peur cette
fois, m’être dit de faire quelque chose que je n’aurais normalement pas fait. Je
m’en étais sentie bien et j’espérais qu’à l’avenir j’allais à nouveau surmonter
mes peurs. Je m’en étais accordé tout le crédit. Quelle ironie !
Depuis ma nouvelle perspective, j’ai vu que l’ange avait gardé une main sur mon
épaule tout le temps de cette rencontre. Il m’avait donné du courage et de la
force intérieure. J’étais censée apprendre une leçon et grandir en amour envers
autrui.
On m’a ensuite montré d’autres moments où j’avais été incitée, par la présence
d’esprits célestes, à parler ou aider quelqu’un en de petites choses, mais en
ces occasions j’avais ignoré la voix, le contact amical et doux. On m’a dit que
ces simples choses peuvent provoquer un changement d’un moment, d’un jour ou
d’une vie pour celui qui refuse d’agir et celui qui devait être l’objet de
l’action. Nous refusons si souvent dans cette vie de donner de nous-même, ne
serait-ce que le peu de temps et d’effort nécessaires pour une récompense qui
serait tellement immense. J’ai senti mon visage rougir de honte. Je me souvenais
de tant de moments où j’avais refusé d’écouter, de bouger et d’agir. Tous ces
précieux moments où la crainte et mes occupations m’avaient poussée à tourner le
dos à la possibilité d’accomplir un acte simple de gentillesse qui aurait touché
la vie de quelqu’un d’autre autant que la mienne. J’avais des regrets.
On m’a ensuite montré les fois où j’avais été incitée par ce doux être à
m’éloigner ou fuir des personnes qui allaient, plus tard, se révéler être
mauvaises et qui auraient pu me causer des dommages extrêmes avec des séquelles
durables. Avec grande tristesse, j’ai vu les moments ou l’ange a tenté à de
nombreuses reprises de me remettre sur le bon chemin, mais avec une grande
obstination j’ai refusé et j’ai marché délibérément vers des voies dommageables.
Combien les humains sont têtus ! A quel point ai-je été obstinée et
irréfléchie !
En un instant j’ai vu toutes ces choses et d’autres encore. L’ange était avec
moi quand j’étais blessée, triste, solitaire et troublée. Il était avec moi que
je sois bonne ou mauvaise, que je choisisse de l’écouter ou de l’ignorer, il
demeurait toujours juste derrière moi. J’ai vu tout cela et plus encore. L’ange
restait avec moi, peu importe que je l’aie écouté ou non, il m’aimait. Son amour
n’était qu’un pâle reflet de l’amour de Celui qui me l’avait envoyé, l’amour de
Dieu.
A quel point ma vie aurait pu être différente si j’avais écouté lorsqu’il était
en train d’essayer de me guider. C’est exactement ce que je lui ai dit :
« Pourquoi ne me l’as-tu pas dit ? Pourquoi ne le savais-je pas ? ».
« Tu le savais » a été sa réponse, je la connaissais avant qu’elle ne me soit
fournie. Mon esprit le savait, il l’avait toujours su. Il avait su tout au long
de ma vie que cette présence était avec moi. J’ai alors reconnu la vérité envers
les lumières et moi-même. Il était tellement important que je comprenne et que
j’accepte la vérité.
Cet être de lumière m’avait amené à la compréhension et à l’acceptation du fait
qu’il soit le messager de Dieu et mon messager vers Dieu, je l’ai appelé mon
Ange Gardien. Il avait toujours été avec moi. Il avait toujours été aimant,
m’aidant et m’orientant. Je n’avais jamais accepté ce que j’avais ressenti. Il
m’a révélé ces moments, lorsqu’étant enfant, je faisais plus que détecter sa
présence. En tant qu’enfant, je savais ! Quand, comment et plus important encore
« pourquoi » avais-je perdu cette capacité ?
Avant de pouvoir poser des milliers de questions, j’ai entendu une autre voix.
Cette voix paraissait semblable, pourtant, je ne sais comment, j’ai ressenti une
différence. J’ai su sans le demander qu’il s’agissait également de la voix d’un
ange, un messager de Dieu.
Au lieu de m’emmener dans le passé, cet ange m’a montré l’avenir. Il m’a fallu
quelques temps pour que je comprenne bien ce qu’était ce qu’on me montrait. Tout
passait en accéléré et je me voyais dans l’avenir. Cela allait trop vite pour
que je le saisisse complètement, mais ce fut le cas bien plus tard dans ma vie
lorsque des évènements que j’avais vus se sont finalement produits.
A l’époque, je ne ressentais pas ce que cette femme (moi dans l’avenir)
éprouvait, mais je sentais qu’elle luttait et qu’elle avait peur. On m’a dit de
simplement observer et de mémoriser.
J’était plutôt contente de moi au début. Je pensais comprendre les faits
fondamentaux de ce qu’on me montrait. La vie n’est pas facile et peut parfois
être vraiment pénible.
Je pensais que les évènements de la journée avaient dorénavant changé tout cela
pour moi, car j’avais entendu la voix de Dieu. J’étais en présence des anges. Je
ne voyais pas comment tout ce que le monde pourrait me jeter à la tête après ce
jour pourrait jamais m’abattre. Pourquoi aurais-je jamais une raison de
ressentir de la peur, de la déception ou de la tristesse à nouveau ? Je devais
découvrir que ces pensées étaient tout à fait fausses également.
A quel point je suis orgueilleuse et arrogante ! Quelle jeune idiote j’étais. Je
fais partie de l’espèce humaine qui est pleine d’arrogance et d’ego. Dans la
bible, les Israélites ont été libérés du joug égyptien. Dieu a ouvert la mer
Rouge afin qu’ils puissent s’enfuir. Et qu’ont-ils fait ? Quand Moïse les a
laissés seuls pendant quelques jours, ils ont réalisé un veau d’or afin de
l’adorer.
Les Israélites craignaient de mourir de faim dans le désert. Ils se sont ensuite
lassés de la manne et s’en sont plaints : « Pauvre de moi. Que je suis
malheureux. » « Quoi ! Encore de la manne ! ».
Rien n’a changé. Il allait me falloir quelques temps pour me rendre compte que
je n’étais pas différente des Israélites de l’antiquité. Tu as fait autrefois un
miracle pour moi Seigneur, mais qu’as-tu fait pour moi récemment ? C’est un
grand piège dans lequel tous les humains chutent et je ne suis pas différente.
Il est important que nous travaillions chaque jour pour l’éviter. Il est encore
plus important que nous ne soyons pas celui qui le creuse. Le monde est
suffisamment habile pour creuser des pièges afin que nous y tombions. Il n’est
pas nécessaire que nous l’y aidions. Un vieux dicton dit : « Lorsque tu tombes
dans une fosse, apprends à cesser de creuser. ». Je ne l’avais jamais compris
jusqu’alors.
J’ai déclaré aux lumières de façon arrogante que je n’allais pas tomber dans les
pièges que le monde allait me tendre à l’avenir. Je n’allais pas creuser mes
propres fosses. Je leur ai dit que je n’allais plus pouvoir ressentir autre
chose que du bonheur, que je n’allais plus jamais perdre la foi. Je me suis
ensuite vue à un certain moment dans l’avenir en train de pleurer. Je me voyais
assise seule sur un banc de bois dans ce qui semblait être une église, pleurant
de manière incontrôlable, comme si ma meilleure amie venait de mourir. Je
pouvais entendre mes propres pensées. J’étais en colère contre Dieu, je
Lui criais : « Tu as fait cela ! Je ne t’écouterai pas ! Je ne ferai pas ce que
tu veux ! Tu m’as donné le libre arbitre, maintenant laisse-moi l’utiliser. J’ai
le droit de faire ce que je veux et tu n’es pas censé m’arrêter ni interférer. »
Je hurlais en pensée.
J’ai été choquée de me voir dans l’avenir, faisant montre d’une telle colère et
d’une telle désobéissance envers Dieu. Cela ne pouvait pas être moi. Je ne
pouvais pas, après cette journée des miracles, faire quoi que ce soit de ce
genre, peu importe ce qui allait se passer ou qui allait mourir. Cela ne pouvait
pas être moi. Je suis certaine que les anges étaient amusés.
Je continuais à hurler contre Dieu, puis une voix semblable à celle que je
venais d’entendre, m’a dit avec douceur que le chemin que je voulais prendre
allait être jonché de douleur et de souffrance. Cela m’a encore plus fait
pleurer et enrager.
En pensée j’ai dit à la voix : « Comment crois-tu que je me sente à présent ? Ce
que je veux faire ne me causera pas plus de douleur et de souffrance que celle
que j’éprouve actuellement. Laisse-moi faire ».
Aucune voix ne m’a plus parlé, cela a semblé me rendre encore plus furieuse que
je ne l’étais déjà. Mais j’ai senti que j’avais éprouvé quelque chose : « Très
bien, très bien, tu veux que j’aille dans cette direction, d’accord, je vais le
faire, mais il y aura un prix à payer. A partir d’aujourd’hui, je ne remettrai
plus les pieds dans cette église ! ». Avec ces mots de colère et d’autres
encore, mon moi à venir était tellement bruyant et hargneux que je n’ai plus
entendu la conversation. Mais j’ai pu ressentir le sentiment absolu de
désespoir, d’impuissance, d’entêtement et de détermination. Eh bien, quelle
combinaison fatale !
Ensuite, j’ai vu un ange qui se tenait derrière mon moi à venir colérique,
la main sur mon épaule droite. Puis un autre ange est apparu, la main sur mon
épaule gauche. Ensuite, d’autres anges sont apparus assis, agenouillés et debout
tout autour de moi. Ils n’étaient pas là pour critiquer, réprimander ou punir,
ils étaient là pour me donner de la force, du réconfort et me guider. Ils
étaient là pour me montrer l’amour de Dieu. Ils étaient là pour m’apporter le
réconfort, la compréhension et l’amour de Dieu.
Quelle surprise ce fut pour moi qu’on me montre que les anges et Dieu tiennent
un rôle si important dans nos vies. Comment pourrais-je jamais être effrayée,
triste ou solitaire ? Comment pourrais-je jamais dire non à quoi que ce soit
demandé par Dieu à l’avenir ? Comment pourrais-je jamais perdre la foi ? Comment
pourrais-je jamais pécher ? Mais les anges m’ont montré que je pouvais faire et
ressentir ces choses, que j’allais toutes les réaliser. Mais Dieu et Ses anges
allaient toujours être là avec moi pour m’aider.
Je ressentais l’amour, la compréhension et la gaîté que les anges éprouvaient
tandis que je continuais à marmonner que je ne pourrai jamais être cette
personne et que j’allais changer. J’ai commencé à passer plus de temps à me
défendre qu’à écouter.
Après avoir vécu tous les miracles de cette journée, j’allais quand même voir
mon avenir se dérouler tel que je l’avais vu. Avec le temps j’allais connaître
la peur, la tristesse, le manque de foi exactement comme ils l’avaient prédit.
J’allais pécher et plus encore. Les anges savaient cela, mais il allait me
falloir des années pour totalement saisir tout ce qu’ils m’avaient montré, ce
qu’ils voulaient que je comprenne. Ils ont tout le temps su que je n’allais pas
me convertir en une sainte parfaite. Ils m’aimaient simplement telle que
j’étais. Dieu m’aime toujours, pas seulement quand je suis obéissante et
parfaite. Quel merveilleux sentiment. Il me suffit de me rappeler qu’Il est là,
d’apprendre à me taire suffisamment longtemps pour entendre Sa voix.
J’avais l’impression d’avoir été égoïste. J’avais vu une partie du passé et de
l’avenir, qu’allait-il se passer maintenant ?
J’avais des milliers de questions mais avant de pouvoir en poser une seule, la
seconde voix a cessé de parler et la voix masculine émanant de la lumière s’est
exprimé à nouveau. Cette voix ne ressemblait pas à celle des anges. Ce n’était
pas le timbre de la première voix qui avait attiré mon attention. Il s’agissait
de la voix qui m’avait dit que le bébé Lui appartenait. Elle ne me faisait plus
vibrer les dents. Elle était pleine d’amour, de douceur et de compréhension.
J‘étais prête à écouter : « Je t’ai donné un nom à ta naissance. Quand tu
entendras prononcer ce nom, tu sauras que je suis avec toi. ». A l’époque, je
n’avais aucune idée de ce dont Il parlait, mais j’ai écouté. Il a prononcé ce
nom, absolument pas inhabituel, mais lorsque je l’ai entendu, le nom à coulé
directement jusque dans mon cœur comme une chose vivante. J’ai été emplie
d’amour et de joie. Je n’ai jamais vécu quoi que ce soit, ni avant ni depuis,
qui fournisse un tel accomplissement ou une telle puissance. Les larmes
continuaient de couler de mes yeux et menaçaient de me consumer. J’ai gardé les
yeux et les oreilles ouverts afin d’entendre chacune des paroles que Sa voix me
disait. Sa voix seule était immensément puissante. Je savais que ce qui était
dit était extrêmement important. Tandis qu’Il parlait, ce n’était pas seulement
Ses mots que j’entendais ; je recevais des impressions et une compréhension au
delà de ce que je pouvais saisir à l’époque. J’ai tenté de m’en imprégner le
mieux possible. Tandis qu’Il me parlait, pour la première fois de ma vie je suis
restée sans voix.
« Tu as recherché la vérité. Il n’y a pas de péché à chercher. Rechercher fait
partie de ton dessein. Cherche Mon Visage. Recherche Ma vérité. Tu ne trouveras
pas toute la vérité durant ta vie sur terre. Continue à chercher tous les jours
de ta vie, n’arrête jamais de te poser des questions. Quand tu seras à l’aise
avec une philosophie, conserve-la pour un temps. Si plus tard tu découvre
qu’elle est fausse, alors cherche encore. N’aie pas peur. Les vérités peuvent
avoir des provenances inhabituelles. Apprends tout ce que tu peux de toutes les
choses, les endroits, les personnes et les évènements. Ecoute ton cœur, ta
pensée et tes oreilles. Tu sauras quand tu auras trouvé une vérité. Je
t’aiderai. Tu es ma … » Il a prononcé le nom particulier qu’Il me donne.). Il a
parlé, j’ai écouté de l’intérieur car c’est là qu’Il me touchait et Son contact
était chaleureux et aimant.
La compréhension totale était hors de ma portée. J’ai saisi moins de 10 % de ce
qui m’était fourni à l’époque, il y a plus de 30 ans. J’en apprends plus chaque
jour sur son sens. Je vais apprendre tous les jours de ma vie et au delà.
J’ai continué à écouter la voix et à me concentrer avec tous mes sens jusqu’à ce
que les mots, les visions et les impressions cessent abruptement. J’espérais
encore plus. J’ai vu que la brillante lumière blanche, qui avait empli
l’obscurité, s’affaiblissait lentement. J’étais extrêmement déçue. Je voulais
vivre cela, que ces sentiments se prolongent durant toute ma vie. Je voulais que
la chaleur, l’amour et la sérénité qui m’enveloppaient ne me quittent jamais !
J’éprouvais une telle paix, je voulais qu’elle ne s’arrête jamais. Je voulais
que la lumière m’environne le reste de ma vie.
J’ai crié à la lumière : « Attends, attends. ». Je riais et je pleurais, des
larmes de joie se déversaient sur mon visage. « J’ai tant de questions. ».
Avec une grande gaieté, on m’a incité à prendre le bouton d’appel des
infirmières, il ne se trouvait plus dans ma main, il était maintenant sur le lit
à côté de moi.
Au début j’ai été troublée, je ne voulais faire venir personne dans la chambre.
Je voulais rester dans la lumière. J’ai trouvé le bouton d’appel et je l’ai pris
au moment même où la pièce est devenue obscure. J’ai imploré la lumière : « Ne
pars pas maintenant, reste. ».
Même lorsque la salle est revenue à un noir d’encre, j’ai continué à ressentir
beaucoup de joie, d’amour et de paix. La lumière était partie, mais je savais
que je n’étais pas seule et que plus jamais je n’allais être seule. Même si je
ne pouvais pas le voir, je savais que mon ange était là et que Dieu m’aime quoi
qu’il en soit. Et la chose la plus importante que j’ai apprise, c’est que DIEU
EXISTE !
Mais le miracle ne s’est pas arrêté là.
* * *
Le moment était venu pour moi d’appuyer sur le bouton d’appel, ainsi qu’on
m’avait indiqué de le faire, c’est ce que j’ai fait. J’ai pressé le pouce dessus
et je n’ai pas lâché. J’ai attendu dans l’obscurité totale, j’ai attendu encore.
De longues minutes se sont écoulées pendant lesquelles j’ai réfléchi à tout ce
qui s’était produit dans cette salle d’accouchement, dans ce lit d’hôpital. Je
me suis également demandé ce qui les empêchait si longtemps de répondre à la
sonnerie du bouton d’appel. A quel point l’infirmière ou le médecin allait être
surpris de me voir assise sur le lit, en vie et en train de rire ? Je me posais
la question.
La porte de la salle d’accouchement s’est ouverte brutalement. Debout, se
profilant sur le couloir illuminé, se trouvait un homme. Il restait immobile
dans l’embrasure de la porte. Je l’entendais respirer. Je savais qu’il
s’agissait de mon médecin. Je ressentais ce qu’il éprouvait. Il était affligé !
Le docteur pensait que j’étais morte et que la raideur cadavérique de la main
d’une femme morte activait le bouton d’appel. Il était réticent à entrer dans la
pièce. « Entrez, entrez ! » ai-je crié gaiement. « Je ne suis pas morte. Entrez
et regardez. »
Le médecin a violemment sursauté en entendant ma voix. Il a allumé la lumière de
la salle, j’ai été aveuglée par la luminosité. Il s’est précipité dans la pièce
et la première chose qu’il a faite, a été de m’arracher le bouton d’appel de la
main. Je continuais à appuyer dessus.
Il a commencé à m’examiner et j’ai simplement continué mes paroles
d’encouragement. « Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer maintenant. ».
Le médecin a déplacé son stéthoscope pour écouter le cœur du bébé. « Croyez-moi,
le bébé va bien lui aussi. Vous voyez ! Vous voyez ! Vous entendez toujours
battre son cœur. Je suis vivante et il est vivant. ». Je n’arrêtais pas de me
trémousser. « Vous voyez ! Vous voyez ! vous devez faire la césarienne
maintenant et ne vous inquiéter de rien. Tout va bien se passer, je vous le
promets. » Je pleurais, je riais, j’exprimais tous ces mots en rafale. Je devais
avoir l’air d’une folle. En fait, j’étais extrêmement heureuse.
Le médecin a continué à m’examiner les yeux tandis que bavardais. Il était
troublé et inquiet. Il a levé les yeux et il a parlé pour la première fois
depuis son entrée dans la pièce : « En êtes-vous sûre, Linda ? La césarienne va
vous tuer. ». Il m’a parlé lentement comme si j’étais retardée ou bien sourde et
que je doive lire sur ses lèvres.
Il voulait s’assurer que je comprenais exactement ce qu’il disait. Tout en
parlant il me fixait droit dans les yeux, comme s’il cherchait la confirmation
que je comprenais les conséquences exactes des actions que je voulais qu’il
entreprenne. Tout ce que je savais c’est que je devais convaincre ce médecin de
commencer l’opération, vite. Il persistait à me fixer, le trouble et
l’inquiétude peints sur le visage.
J’ai imploré : « J’en suis sûre, tout à fait, absolument sûre, s’il vous plaît,
croyez-moi. Regardez-moi, je vais bien, regardez, regardez, la douleur est
complètement partie, il n’y a aucune contraction. ». J’avais alors peur que le
médecin ne me croie pas ; Je devais le convaincre de faire la césarienne ainsi
que les voix me l’avaient indiqué. Je me suis concentrée pour une autre salve de
paroles.
« Je vais bien, le bébé va bien, tout va bien se passer mais vous devez
m’écouter et faire la césarienne, maintenant ! Regardez, regardez-moi,
regardez-moi ! Je vais bien et je veux que vous fassiez la césarienne. S’il vous
plaît croyez-moi. Tout va bien se passer, je vous assure. ». Dans une tentative
de persuasion, ma voix augmentait de quelques décibels à chaque parole émise. Je
criais maintenant. Si c’était nécessaire pour convaincre le docteur, j’étais
prête à me lever du lit et à marcher tout autour de la pièce.
A son expression, je me rendais compte de la progression de la pensée dans le
cerveau du médecin. Il pesait le pour et le contre de cette opération et
réfléchissait au paroles proférées par une patiente mourante, qui pleurait et
riait. Il a dû croire que j’étais démente mais j’ai décelé le moment de sa prise
de décision, car l’expression de ses yeux a radicalement changé.
Il a simplement hoché la tête en signe d’acceptation, puis il s’est précipité
dans le couloir. J’ai l’ai entendu crier pour appeler des gens et leur donner
des instructions. On était partis pour l’opération !
Le moment suivant, des personnes ont fait irruption dans la salle. Je ne les
connaissais pas. elles se sont mises à m’enfoncer à nouveau des aiguilles dans
le bras et la main. C’était douloureux mais ce n’était pas un problème pour moi.
Je souffrais un peu, mais ainsi je savais vraiment que j’étais en vie.
Je savais que j’avais convaincu le médecin, j’ignore comment, que
l’opération était nécessaire et qu’il était important de commencer maintenant.
Je l’avais convaincu que je n’allais pas mourir. Je pouvais me détendre et
pousser un soupir de soulagement.
J’étais convaincue que même avec la césarienne à venir, les plus grandes
douleurs étaient derrière moi. Les petites souffrances de l’opération me
préoccupaient peu. Je n’avais pas peur.
On m’a remis le masque à oxygène sur le visage. Je n’étais pas en
hyperventilation cette fois-ci. J’étais complètement nue sur le lit, des gens
tout autour de moi faisaient le nécessaire pour me préparer à ce qu’ils
croyaient être une opération d’urgence. Cela ne me gênait pas le moins du monde.
J’étais heureuse.
J’ai été rasée quasiment des genoux jusqu’au menton. Un jeune homme très
concentré était entre mes cuisses et mes genoux, il espérait me poser un
cathéter. Il ne cessait de me prévenir que cela allait me faire très mal. Je
riais. J’avais appris ce que souffrir veut dire, ce qu’il faisait n’était rien
en comparaison. Il m’a regardée comme si j’étais folle, ce qui m’a encore plus
fait rire.
Tout ceux qui venaient dans la pièce me paraissaient tellement jeunes. J’avais
subi des douleurs monumentales. J’étais morte et revenue à la vie. J’avais
communiqué avec des être célestes. J’avais l’impression d’avoir cent ans de plus
que le plus vieux d’entre eux. J’avais changé.
Un jeune homme en trois-pièces parfaitement repassé, est entré dans la pièce, il
montrait des signes de confusion. Il avait l’air d’avoir été réveillé d’un
sommeil profond et d’avoir poussé la porte avant d’être tout à fait prêt. Ses
cheveux en bataille et ses yeux ensommeillés contrastaient violemment avec ses
vêtements soignés. « Il faut que vous et votre mari signiez ce document. Vous
comprenez que ni votre médecin ni cet hôpital ne recommandent cette opération.
L’ hôpital vous a averti que cette opération peut vous mener à la mort et à la
mort de votre… » il a continué d’un ton morne.
« Oui , oui on m’a prévenue, merci, merci. Bon, où dois-je signer ? ». Je
souriais.
Les papiers fixés sur une tablette propre et bien rangée, m’ont été donnés au
moment même ou on a fait entrer mon mari dans la salle. Rich était si fatigué,
triste, tellement jeune, regardant la confusion totale de cette pièce. Il avait
l’air effrayé et troublé. Je l’ai appelé à mes côtés et j’ai tenté de le
rassurer d’un sourire. « Tout va bien maintenant. Signe les papiers. Ils vont
faire une césarienne. Aie confiance en moi. ». Je lui ai tendu les papiers. Rich
n’était pas sûr de lui, mais il a signé les documents car je le lui ai demandé.
Il me regardait également avec des yeux interrogateurs. Il avait peur et il
était troublé par la vision de l’activité déployée dans la salle.
C’est le deuxième jeu de papiers que nous avons signé. Le premier jeu était
obsolète car la date avait changé depuis que nous les avions signés. Les
nouveaux papiers nous notifiaient que je n’avais que peu de chance de survivre à
l’opération. Je n’étais pas inquiète.
Je disais à tout le monde dans la pièce :« Ne vous inquiétez pas, tout va bien
se passer maintenant. ». Je voulais tous les rassurer, y compris Rich. Je n’ai
pas eu un mot d’explication pour Rich au sujet des évènements de la nuit
précédente avant que mon médecin ne pénètre à nouveau dans la pièce.
Le docteur était visiblement contrarié que tous le préparatifs de l’opération ne
soient pas encore terminés. Le jeune médecin qui avait tenté plusieurs fois de
me poser un cathéter avait échoué. Mon médecin s’est avancé pour effectuer cet
acte. Il m’a souri et m’a prévenue : « Linda, cela va vraiment vous faire mal.
Je suis désolé. ». A nouveau, j’ai simplement souri.
« Ils en savent si peu sur la douleur » ai-je pensé. Pendant cet acte, j’ai très
peu ressenti ce que je considérais dorénavant comme de la douleur.
Lorsque la préparation a été totalement terminée, le médecin a positionné
chacun, y compris Rich, autour de mon lit, afin d’entamer une procession qui
consistait à me pousser dans le couloir, avec tout le matériel, en direction de
la salle d’opération. J’en étais satisfaite.
C’est à ce moment, en regardant dans les yeux de mon mari inquiet, que je me
suis souvenu du reste de ma famille. Ils étaient alors en salle d’attente depuis
plus de deux jours. Je voulais les assurer que j’allais bien et que tout allait
bien se passer. J’ai dit au médecin que je voulais alors accepter son offre de
faire venir ma famille et mes amis dans la salle d’accouchement. Cela ne l’a pas
amusé, en fait ma suggestion l’a irrité. Il était plus persuadé que jamais que
j’avais « perdu les étriers » pendant la nuit.
Il s’était mis en mode urgence pour m’emmener en salle d’opération, je lui
demandais de faire des mondanités auparavant. Je comprenais sa frustration mais
il a rapidement changé ses plans pour satisfaire la patiente. Il avait appris
que je pouvais être très têtue.
La décision de ne pas faire venir ma famille et mes amis dans la salle
d’accouchement a été prise rapidement, au lieu de cela on m’a emmenée sur le lit
à roulettes dans la salle d’attente. J’avais bien échafaudé ce que j’allais
dire, mais quand j’ai vu le visage de mon père, j’ai tout perdu. Il paraissait
tellement petit. Il était épuisé par l’inquiétude et le manque de sommeil. Je me
sentais très mal d’avoir infligé cela à mes parents. Je me suis mise à pleurer.
Avant que je puisse me reprendre suffisamment pour parler, mon père s’est
exprimé à travers un torrent de larmes. Il a souri et il a dit : « Ne t’inquiète
plus maintenant. Tout va bien se passer. Tiens bon. Nous t’aimons. ». Il m’a
fait un grand sourire d’encouragement et a levé le pouce en l’air, c’était sa
façon de me dire de faire face, qu’il était avec moi, espérant le meilleur.
Je n’ai rien pu dire après cela. Je pleurais encore plus dans mon masque à
oxygène. Le médecin a dit qu’il était temps d’y aller, j’ai donc simplement levé
le pouce en l’air, en signe d’accord avec mon père, aucun mot d’encouragement
pour lui n’a passé mes lèvres, j’ai été emmenée vers la salle d’opération.
Je pensais que toute l’excitation était terminée. Je pensais que le reste de la
nuit allait être ennuyeux. Je croyais que mes sentiments de peur appartenaient
au passé. Je pensais que mon miracle était terminé. J’avais tort ! La nuit ne
faisait que commencer.
On m’a enlevée du lit et penchée au dessus de la table d’opération afin
d’exposer mon dos nu. Je suis restée parfaitement immobile tandis qu’on
m’enfonçait des aiguilles dans le dos. On m’a dit que cela allait être
douloureux, mais ce ne fut pas le cas. J’ai senti des piqûres froides, rien de
plus. On m’a placée sur la table d’opération tout en m’enroulant dans des draps.
Je m’attendais à ce que tout le monde soit habillé de blanc. Une fois encore
j’avais tort. A quel point la télévision reflète-t-elle la vie réelle… les
couleurs étaient gaies, bleu, vert, violet. Ce fut une surprise merveilleuse.
On m’a présenté le chirurgien qui allait pratiquer l’opération. Mon médecin
allait l’assister. On ne l’a pas mentionné mais j’ai simplement déduit que mon
docteur était tout simplement trop fatigué. Cet arrangement ne me posait pas de
problème.
J’ai taquiné mon docteur en lui disant que je voulais regarder l’opération. Il a
commencé à déplacer ce que j’ai pris pour des miroirs suspendus au plafond, en
me disant : « Pas cette fois ma petite dame. Vous pourrez regarder l’opération
la prochaine fois, pas maintenant. ».
Lorsque l’opération a commencé, j’étais éveillée et intéressée par ce qui se
passait autour de moi, mais j’ai vite ressenti de la fatigue. J’ai vu du sang
éclabousser le champ qui, je pense, avait été placé devant mon visage pour
empêcher le sang de m’atteindre. J’ai ressenti un peu de dégoût, j’ai donc
incliné la tête sur un côté, de manière aussi confortable que possible étant
données les circonstances, puis je me suis rapidement endormie. Je me suis
moi-même réveillée avec les bruits horribles de mes propres ronflements.
Mes médecins étaient juste en train de faire des réflexions amusantes entre eux
au sujet de mes ronflements. Je les ai entendus et j’ai souri. Tout le monde
était content et moi aussi. Je me suis détendue, je ne ressentais pas de
douleur, je me suis donc rapidement rendormie.
Je me suis réveillée une seconde fois, non pas au son de mes ronflements, mais à
cause de cris, de tristesse et de confusion. J’ai entendu des voix fortes
hurlant et jurant. J’étais troublée par ce qui se passait, j’ai donc gardé les
yeux fermés et j’ai simplement écouté.
Mon médecin fatigué, qui souffrait depuis longtemps, était en train de crier.
C’était lui qui jurait. « Dépêchez-vous ! Sortez le bébé de là ! ». Ses
hurlements ont persisté avec son langage le plus imagé. Il a ensuite crié à
nouveau en ajoutant cette fois une prière : « Mon Dieu, s’il te plaît
donne-nous juste un peu plus de temps, un peu plus de temps. Elle a tant
surmonté tant de choses. Dépêchez-vous, lisez-moi les chiffres ! !
#&^+##@%**@@.” Mon docteur a terminé ses cris par des jurons.
J’étais troublée et inquiète. J’ai pensé : « Pourquoi y a-t-il tous ces
cris ? Pourquoi mon médecin est-il tellement en colère ? ». Une voix masculine,
à ma droite, a commencé à crier des chiffres, ainsi que mon médecin l’avait
demandé à voix forte. Cette voix tentait de couvrir les autres bruits de la
salle d’opération. J’ai essayé de comprendre les chiffres, le bruit et la raison
de leur importance. Il n’a pas fallu longtemps pour que la lumière s’allume dans
ma tête.
Les chiffres correspondaient à ma pression artérielle, à mes pulsations et à ma
respiration. Lorsque j’ai réalisé ce qu’étaient ces nombres, j’ai été choqué par
leurs valeurs faibles. J’ai pensé : « Ma pression artérielle ne devrait pas être
plus basse que 110 sur combien ? » essayant de me rappeler ce que les valeurs
étaient censées être. Je ne m’en étais jamais préoccupée auparavant.
« Combien d’inspirations dois-je avoir et quel est le rythme cardiaque sur une
minute ? ».
A mesure que la voix continuait à crier les chiffres, les valeurs baissaient de
plus en plus. Tandis que les chiffres baissaient, la voix de mon médecin se
faisait plus forte. Il proférait toujours des jurons mélangés de prières :
« S’il te plaît mon Dieu, donne-nous plus de temps. Elle en a déjà tant
traversé. Tout ce qu’on demande, c’est un peu plus de temps. Mon Dieu, ne
peux-tu nous accorder juste un peu plus de temps ? M… ! M…, vous pouvez pas vous
dépêcher ! ». Il priait, jurait et hurlait des instructions tout à la fois.
Je voulais écarter les craintes de chacun. Tout allait vraiment bien se passer.
Bien sûr je le savais, mais il me fallait le dire aussi à tous ces gens
perturbés dans la salle d’opération. Malgré les chiffres, tout allait vraiment
bien se passer. Je ne voulais pas être la cause de toute cette détresse et cette
pagaille.
J’ai essayé de bouger la tête du côté vers le centre. Je n’en avais plus le
contrôle. Je me suis dit : « Que se passe-t-il ? Non, Linda, ce n’est pas le
moment de paniquer. ». Les chiffres ne cessaient de baisser. Je ne ressentais
pas ma respiration. Il me fallait prendre une inspiration profonde et parler à
ces gens. J’ai tenté d’inhaler un air purificateur. Je n’ai même pas pu aspirer
une petite bouffée d’air, encore moins une inspiration profonde et
purificatrice. J’ai essayé d’ouvrir les yeux, impossible. Il fallait que
quelqu’un me regarde. Il fallait que je voie quelqu’un, n’importe qui. J’ai
tenté de bouger, de respirer, de parler. Il fallait que j’ouvre les yeux. Rien
ne se passait. Je ne maîtrisais aucune partie de mon corps. Tout ce que je
ressentais, c’était le froid. J’avais tellement froid, de plus en plus froid.
Tout mon corps n’était qu’un glaçon. C’était le moment de paniquer, et c’est
exactement ce que j’ai fait au moment où les chiffres ont atteint 0.
J’ai entendu ce que j’ai interprété comme le tintement des roues d’un chariot
qu’on amenait près de la table d’opération. J’avais vu plein d’émissions
médicales. « Est-ce qu’ils amènent un chariot de réanimation ? Est-ce que mon
cœur s’arrête ? Est-ce qu’ils vont me défibriller ? Ils ne peuvent pas faire ça,
n’est-ce pas ? Ils ne vont pas me défibriller alors que le bébé est encore dans
mon ventre ? Le bébé va recevoir l’électricité. Je ne peux pas les laisser faire
ça, ce n’est pas possible ! ». Mes paroles cédaient à la panique au fur et à
mesure des hurlements de mon docteur. Puis il s’est mis à répéter : « NON, NON,
NON, S’il te plaît mon Dieu NON ! ».
J’ai paniqué. Je me suis mise à hurler dans ma tête, répétant sans cesse : « Je
ne vais pas mourir. Je ne vais pas mourir. Je ne meurs pas. Je ne meurs pas !
Jésus à dit que je n’allais pas mourir. Je ne vais pas mourir ! Je ne meurs pas.
Je vais sauter de cette table. Laissez-moi descendre de cette table. Je ne vais
pas mourir. Que quelqu’un vienne ici et me touche. Venez ici ! Je ne meurs pas.
Ecoutez-moi, quelqu’un, écoutez-moi ».
Je luttais pour ouvrir les yeux, inspirer de l’air, bouger mon corps, n’importe
quoi qui ferait savoir aux gens dans la pièce que j’étais toujours en vie, que
je n’avais pas l’intention de mourir.
J’ignore combien de temps j’ai lutté et crié vers personne si ce n’est moi-même.
La voix qui criait les chiffres était plus calme et les valeurs étaient presque
toutes à 0. La voix de mon médecin exprimait le désespoir total, c’est lorsqu’il
a semblé abandonner son combat que j’ai gagné le mien.
Mes poumons se sont emplis d’air et j’ai crié fort, tellement fort que la salle
a vibré. J’ai entendu les gens reprendre leur souffle et sursauter au son de mon
cri. J’ai entendu ma propre voix plus fort que jamais auparavant, mais je n’ai
pas cessé de hurler car je criais pour sauver ma vie !
« Je ne vais pas mourir ! Je ne vais pas mourir ! ». J’ai crié tellement fort
qu’on a dû m’entendre dans tout l’hôpital. « Que quelqu’un vienne et me touche.
Regardez-moi. Je ne suis pas morte. Je ne suis pas morte. Je ne vais pas
mourir ! Jésus a dit que je n’allais pas mourir. Faites-moi voir un visage.
Regardez-moi. REGARDEZ-MOI ! Je vous dit que JE NE VAIS PAS MOURIR. ». Je criais
de plus en plus fort, les larmes coulaient sur mon visage.
« Continuez à crier Linda. Continuez juste à crier. » C’était maintenant au tour
de mon médecin de crier à mon adresse. J’étais pleine de terreur. Je paniquais.
Je n’avais pas besoin qu’on me pousse beaucoup pour continuer à crier. Ma gorge
était à vif à force de crier. Je suis sûre que les nerfs de tout le monde dans
la pièce l’étaient aussi.
J’ai lutté pour me calmer, mais je voulais désespérément voir un visage humain.
Je voulais sentir le contact d’une main humaine. J’avais besoin de quelqu’un à
mes côtés pour me rassurer quant au fait que j’étais toujours en vie. J’ai
continué à crier : « Que quelqu’un vienne ici. Laissez-moi vous voir. Vous
toucher. Touchez-moi, que quelqu’un me touche ! Vous voyez, je ne suis pas
morte. ». Je fichais la pagaille et j’étais gênée mais cela m’était égal.
Le médecin a ordonné à une infirmière d’aller à la tête de la table d’opération
afin que puisse voir son visage. Elle était totalement vêtue de bleu. Elle se
tenait à ma gauche, il semble que seuls les épaules et la tête dépassaient de la
table d’opération. Elle m’a parlé avec douceur. J’avais des difficultés à
entendre sa voix, je criais tellement fort. Elle portait des gants, épongeant
les larmes qui se déversaient sur mon visage. Elle a continué à me parler
doucement. J’ai persisté à demander de voir son visage et aussi qu’elle me
touche. J’avais tellement froid. Elle portait un masque chirurgical et je
voulais voir son visage. Je voulais un contact humain, peau contre peau pour me
rassurer et assurer tout le monde dans la salle que je n’étais ni morte ni
mourante. Je me suis mise à crier et exprimer des exigences, au bord de la
panique.
Mon médecin a crié à l’infirmière : « Enlevez votre masque, touchez-la, allez,
c’est bon, allez. » L’infirmière semblait réticente à suivre les ordres du
médecin, mais elle a enlevé ses gants et le masque chirurgical qui dissimulait
son visage.
J’ai vu son visage et le choc m’a rendue muette. Elle était belle et pour mon
visage glacé, ses mains étaient comme une chaleur revivifiante. Elle ressemblait
à la représentation que je me faisais des anges étant enfant. Je voyais ce qui
semblait être une chevelure blanche sous son bonnet bleu. Elle avait les yeux
parfaitement bleus, les lèvres rouges, une peau claire et douce, pour compléter
le tout, une voix suave.
Elle a dit : « Tout va bien maintenant. Je suis avec vous. ». Elle a continué à
me toucher le visage de ses mains sans gant. Elle m’a embrassé sur la joue, ses
lèvres ont effacé ma terreur panique. Elle m’a doucement murmuré des mots
rassurants à l’oreille et je me suis immédiatement calmée. Je lui ai dit que
j’allais bien maintenant. Je lui ai dit que tout allait bien se passer et que je
n’allais pas mourir. Elle m’a assurée que j’avais raison. Elle m’a encouragée à
continuer de lui parler, mais je n’ai alors pas réussi à trouver quelque chose à
lui dire. Elle a cependant continué à me parler.
Je me suis souvenu que les voix m’avaient dit à quel point les gens sont
importants les uns pour les autres. Combien elles avaient raison. Le contact de
cette femme n’avait pas de prix pour moi.
J’avais honte d’avoir été tellement emplie de terreur. Très peu de temps
auparavant, j’avais été en présence du Seigneur et des anges, ils m’avaient dit
que le bébé et moi allions vivre. A quelle vitesse avais-je oublié. Maintenant,
la terreur panique m’avait totalement abandonnée à nouveau.
Mon médecin m’a dit avec enthousiasme qu’on était en train d’extraire le bébé.
J’ai senti le poids du bébé quitter mon corps. J’ai entendu le son humide du
corps du bébé qu’on passait par l’incision de mon abdomen.
Le Dr Peterson et son équipe de néonatalogie, a pris en charge le nouveau-né.
J’entendais sans les comprendre de nombreux sons et des voix loin sur ma droite.
Le Dr Peterson s’est mis à parler d’une voix irritée : « Vous m’avez fait sortir
du lit pour ça ! Regardez ce beau et grand garçon ! ». Dans sa voix j’ai décelé
de l’amusement et un sourire de soulagement.
« Quoi ? » fut la réponse de mon médecin énervé. J’ai entendu ses pas précipités
s’éloigner de la table d’opération. « Mon Dieu, regardez-moi ça ! Linda,
ce bébé est magnifique. Il pèse 4 kg 100. Il a du plomb dans les fesses. »
Après que le docteur ait parlé, la salle d’opération s’est emplie de
gloussements. Sa voix était pleine de rire, de joie et de soulagement. « Il est
parfait. ». La voix du médecin était basse et pleine de questions sans réponses.
Mon petit garçon était parfait et c’était une surprise phénoménale pour lui. Il
tenait entre ses mains un enfant en vie et parfait alors qu’hier il était
condamné à mort.
Le docteur est redevenu professionnel en annonçant : « Naissance du petit
Ballasch (j’ai entendu sa voix changer tandis qu’il tournait la tête pour
regarder l’horloge et ou le calendrier sur le mur) le 6 avril à 2 heures du
matin… »
J’ai entendu une voix inconnue l’interrompre « Dimanche de Pâques. »
La voix de mon docteur était pleine de révérence et de larmes quand elle a
répété : « Oui , dimanche de pâques. »
Je souriais, j’étais heureuse, mais j’étais au delà de l’épuisement. « Combien
de temps dois-je encore rester éveillée. Je suis très fatiguée. ». Je ne
m’adressais à personne en particulier dans la pièce. J’étais prête à m’endormir,
maintenant que l’urgence était passée et que je savais que nous étions tous deux
hors de danger. Mon médecin m’a répondu : « Il va falloir encore 20 minutes pour
que le Dr Goldstein referme, mais vous pouvez dormir maintenant. Tout va bien.
Vous pouvez dormir. » m’a-t-il assuré. A peine les mots de remerciement
venaient-il de sortir de mes lèvres, que j’ai fermé les yeux et me suis endormie
rapidement.
* * *
Je me suis réveillée 8 heures plus tard en salle de réveil. Il y avait une
personne derrière un rideau à côté de moi, elle gémissait, elle avait l’air de
souffrir beaucoup et d’avoir besoin d’aide. J’ai essayé de me retourner
pour voir de qui il s’agissait, mais j’étais relativement contrainte sur mon lit
avec une perfusion sanguine raccordé à mon bras enflé. J’ai appelé une
infirmière.
Une jeune femme m’a saluée joyeusement « Bonjour ! Beauté endormie. Comment vous
sentez-vous ? ». Elle a tiré les rideaux qui séparait mon lit du reste du monde,
j’ai découvert qu’il faisait jour.
J’étais toujours très fatiguée et extrêmement assoiffée. J’étais en vie et de
retour à la normale, n’est-ce pas ? Je n’en étais pas vraiment sûre. J’avais
tellement réfléchi et j’avais reçu tant d’informations que je n’avais encore ni
absorbées ni assimilées. J’ai pensé : « Peut-être ne suis-je pas de retour à la
normale. J’ai changé. Le monde a changé. Que vais-je faire et où vais-je aller
ensuite. ».
L’infirmière m’a expliqué que la femme en salle de réveil près de moi sortait
d’anesthésie et qu’elle allait bien se porter. L’infirmière a fait le tour du
rideau et s’est adressée à la femme en lui disant qu’il était temps de se
réveiller, les gémissements ont cessé.
J’ai dit à l’infirmière que j’avais soif, elle m’a amené un verre d’eau avec une
paille et m’a aidé à le tenir entre mes mains tremblantes. Elle m’a encouragé à
boire. J’ai bu l’eau au risque de la rejeter.
L’infirmière m’a dit qu’elle savait que j’avais eu une dure nuit, mais
maintenant j’allais parfaitement bien et je n’avais dorénavant plus rien à
craindre. Tout ce que j’ai réussi à dire, c’est : « Merci. » et lui demander
l’heure qu’il était. Il semble que c’était devenu une manie chez moi de savoir
l’heure, j’avais en effet perdu tant de temps. Je voulais garder la notion du
temps.
Elle m’a souri et m’a dit qu’il était 10 heures du matin. J’étais satisfaite.
J’avais dormi en salle de réveil pendant huit heures. J’avais l’impression qu’un
camion m’avait roulé dessus mais j’étais en vie. J’ai commencé à faire
l’inventaire, vérifiant mon corps pour voir si rien ne me faisait souffrir. La
seule chose que j’ai pu découvrir, c’est la main et le bras entièrement pansés
dans lesquels avait été injecté le sang. Sinon, j’étais simplement fatiguée.
L’infirmière m’a ensuite dit qu’un jeune homme avait attendu toute la nuit à
l’extérieur, si je me sentais suffisamment bien, elle allait le laisser me
rendre visite brièvement. J’étais d’accord.
Un jeune homme est entré dans la pièce. Je savais qu’il s’agissait de Rich, mon
mari, mais je ne l’ai quasiment pas reconnu. Il paraissait tellement jeune et
fatigué. Il semblait changé également.
Rich a amené des fleurs et des cadeaux, (dont Bugs Bunny) ainsi qu’une boîte de
bonbons en forme de cœur. Il m’a demandé si je savais ce qui avait changé chez
lui. Je n’étais pas certaine de ce qu’il voulait dire, j’ai donc répondu
négativement. Il a expliquée que j’avais été tellement courageuse qu’il s’était
rasé la moustache. J’ai honte d’admettre que je ne l’avais pas remarqué, mais je
ne le lui ai pas dit.
Rich, pendant l’épreuve qu’il avait subie sans moi, n’avait pas beaucoup dormi,
mangé ou bu. Non seulement il s’était rasé, mais il avait aussi perdu 6 kg. Je
me suis mise à penser aux souffrances que lui et le reste de ma famille devaient
avoir enduré pendant cette épreuve, j’ai eu honte de ne pas avoir pensé plus à
eux jusqu’alors.
Rich m’a tendu la belle boîte de chocolats et il était prêt à l’ouvrir. Mais je
l’ai arrêté. J’aime les chocolats, mais à ce moment là, la simple pensée du
chocolat me soulevait le cœur. Je me souvenais de l’infirmière dans la salle
d’opération qui, de façon tellement merveilleuse, m’avait touchée et parlé. Je
l’appelais « mon Ange ». J’ai demandé à Rich s’il pouvait la trouver et lui
donner les bonbons. Il a accepté. Mais ses recherches de la femme que j’avais
décrite n’ont pas abouti, les bonbons ont donc été emmenés à l’office des
infirmières afin que tout le monde en profite.
A de nombreuses reprises durant mon séjour à l’hôpital, j’ai demandé cette
infirmière de la salle d’opération, je voulais en effet la remercier, mais
personne n’a pu me dire qui elle était. Ma description devait être très éloignée
de la réalité. Je ne dis pas qu’il s’agissait vraiment d’un ange, c’était en
fait une personne réelle. Je veux seulement dire que les infirmières peuvent
représenter la providence pour un patient dans l’exercice de leurs fonctions, je
veux toutes les remercier.
Rich n’est pas resté très longtemps car j’étais très fatiguée et lui aussi. Il
m’a parlé de mes parents et du bébé que je n’avais pas encore vu.
C’était étrange, car je savais que tout allait bien et que je pouvais me
rendormir sans crainte. La veille, j’avais combattu le sommeil par crainte de ne
jamais me réveiller. Maintenant, tout ce que je voulais, c’était dormir.
On m’a emmené dans une chambre au milieu de la nuit. Je me suis réveillée juste
assez longtemps pour voir qu’on m’embarquait dans un ascenseur, puis je me suis
rendormie. Je rattrapais tout le sommeil en retard de la semaine précédente.
Le docteur Goldstein est venu dans ma chambre, avec un groupe d’étudiants en
médecine, afin d’examiner mes sutures. Il a enlevé mon pansement, il a découvert
que j’étais guérie et qu’il n’y avait pas de sang. Il était étonné. Il a
dissimulé sa surprise en louant le merveilleux travail qu’il avait accompli. Je
l’ai remercié, il est parti avec ses étudiants.
On m’a dit que j’allais rester à l’hôpital au moins deux semaines pour garantir
un rétablissement complet, mais le vendredi, seulement cinq jours après
l’opération, j’avais suffisamment récupéré pour rentrer chez moi.
C’est moi qui poussait pour partir. Je n’aimais pas la vie à l’hôpital, ni la
nourriture. Rich me rendait visite tous les soirs, je lui ai demandé de passer
en fraude des tacos, des tartes au citron meringuées, et du chocolat au malt,
mais il avait peur qu’on le jette dehors s’il se faisait prendre. J’étais déçue.
Nous avons appelé le bébé Stephan. Je lui ai donné le nom du premier martyre
chrétien. C’est également le nom de son oncle.
Stephan a aussi eu un rétablissement remarquable. Il a été placé en couveuse
afin de rester en observation pendant 24 heures, mais il en a été retiré bien
avant car il était en grande forme. Le docteur Peterson a plaisanté en disant
qu’il avait fallu enlever le bébé de la couveuse parce qu’il n’arrêtait pas
d’ouvrir le couvercle. Comparé aux petits prématurés, Stephan avait l’air
immense dans la couveuse. Il avait de grandes mains et mon père l’a
immédiatement surnommé « l’élan ». Il a passé la majeure partie des cinq jours à
l’hôpital à dormir, tout comme moi.
Le rapport du Dr Peterson sur le bébé mentionnait que Stephan était normal ou au
dessus de la norme pour tous les examens pouvant être pratiqués sur un nouveau
né, mais le médecin voulait faire des examens à 6 semaines, à 6 mois et à 1 an,
afin de vérifier qu’il n’y avait pas de dommage au cerveau. Le Dr Peterson a dit
qu’il n’était pas du tout inquiet, moi non plus.
Je pesais 64 Kg en entrant à l’hôpital, j’en faisais 44 en rentrant chez moi. Je
ne recommande pas la mort imminente comme un régime valable.
Deux jours après avoir quitté l’hôpital, ma sœur, sa fille, mon fils nouveau-né
et moi-même nous promenions sur la plage, profitant de la chaleur du soleil
printanier.
Après ma sortie, j’étais perplexe. Devais-je crier sur les toits qu’un miracle
s’était produit ? Devais-je changer de travail et entrer au service de
Dieu d’une manière quelconque ? Devais-je le garder pour moi et ne jamais piper
mot ? J’ai posé la question et écouté, mais je n’ai reçu aucune réponse. Les
voix ne me disaient pas quoi faire, ni comment vivre ma vie.
J’ai tenté une approche avec Rich, j’ai commencé à parler de ce qui m’était
arrivé à l’hôpital et dont il n’avait pas connaissance. Avant que je n’entre
dans les détails, il a proposé sa théorie. En bref, Rich a suggéré que mon
expérience était une hallucination ou un rêve provoqué par les traitements. Il a
supposé que j’avais pu manquer d’oxygène.
Il n’était pas disposé à écouter, accepter ou croire qu’un miracle se soit
produit ou qu’une intervention céleste ait été impliquée dans la naissance de
son fils.
J’ai essayé de raconter à mes parents ce qui s’était passé. Avant que je puisse
finir une seule phrase, mon père s’est mis à pleurer. Les larmes coulant sur les
joues il a dit : « Je ne veux rien savoir. Le miracle c’est que tu sois ici et
vivante. C’est le seul miracle dont j’aie besoin. ». Je ne lui ai plus jamais
reparlé de mon EMI. Il est mort en 1976, moins de 7 ans plus tard. C’est 32 ans
après l’événement que ma mère m’a demandé de lui raconter l’expérience, ce fut
une joie de le lui dire.
Les expériences de mort imminente étaient connues en 1969, mais je n’en avais
pas beaucoup entendu parler. Après avoir tenté d’aborder le sujet avec mon mari
et mes parents, j’ai été convaincue que ce qui s’était passé n’était destiné
qu’à moi seule. J’ai décidé de ne pas en parler à mes amis ni en public. Les
voix ne m’ont pas contredite.
* * *
Je suis retournée à l’hôpital 6 semaines plus tard. Stephan a été
considéré par le Dr Peterson comme un bébé normal, en bonne santé et plein de
vie. Je me suis rendue à un rendez-vous de suivi post opératoire chez mon
docteur. Après m’avoir examinée, il m’a fait venir à son bureau et m’a demandé
la permission d’examiner Stephan. J’ai accepté et il m’a fait attendre dans son
bureau. Cela ne faisait pas partie d’une procédure post-opératoire normale.
Lorsqu’il est revenu, il a gardé le bébé sur ses genoux. Il était calme, réservé
et très professionnel. Je ne m’y attendais pas. J’étais accoutumée à un sourire,
une blague pour dédramatiser l’instant. Je pensais qu’après la crise que nous
avions traversé ensemble seulement 6 semaines auparavant, ce docteur et moi
allions continuer à nous appeler par nos prénoms. Mais j’ai été reçue par
quelqu’un qui se comportait froidement et de manière impersonnelle à mon égard.
J’étais très troublée et déçue.
Après qu’il m’ait dit, d’une façon professionnelle non chaleureuse, que tout
allait bien et à quel point Stephan était sain, j’étais prête à en rester là et
partir de son cabinet pour ne jamais y retourner, mais avant de partir, j’ai eu
une bouffée de courage.
« Alors, que s’est-il passé cette nuit là. J’aimerais savoir ? Vous faites comme
si vous ne vous souveniez même pas de moi ! » Le ton de ma voix était agressif.
Cela a mis le docteur sur la défensive. Cette question paraissait totalement
déplacée, même pour moi. J’étais désolée d’avoir ouvert la bouche et j’étais en
train de quitter le cabinet lorsque le médecin s’est décidé à parler. Il a dit
qu’il ne savait pas exactement de quoi je parlais. Il a expliqué que le week-end
de la naissance de Stephan avait été long pour lui. Il y avait eu quinze
naissances et plusieurs d’entre elles par césarienne, la mienne n’étant qu’une
parmi d’autres. Je savais qu’il mentait à propos des césariennes car, pendant
toute la semaine que j’avais passée à l’hôpital, il n’y avait eu que deux
césariennes, dont la mienne. J’étais gênée et en colère. Comment quelque chose
d’aussi émouvant et profond que voir un patient mourir à petit feu pouvait ne
laisser aucune impression ? Comment pouvait-il ne pas se souvenir de mes cris
dans la salle d’opération ? Comment pouvait-il oublier avoir perdu son
sang-froid et avoir hurlé dans la salle d’opération ? Je l’ai affronté :
« Pourquoi étiez-vous tellement contrarié, hurlant et jurant dans la salle
d’opération ? Ignoriez-vous que j’entendais chacune de vos paroles ? »
Sa réponse a été immédiate et sèche : « Vous n’avez rien entendu ! vous étiez
inconsciente ! »
Bon ! Le docteur se souvient bien. Ai-je pensé
J’ai dit : « J’ai entendu chaque mot et plus encore ». J’ai ensuite commencé à
répéter ce qu’il avait dit et les sons étranges que j’avais entendus. Plus je
parlais plus ses yeux sortaient des ses orbites et plus il s’énervait , ai-je
pensé. Mais avant qu’il ne dise un mot, j’ai vu son regard s’adoucir et son
comportement changer. Il a commencé à se détendre. Il a mis les pieds sur le
bureau et s’est renfoncé dans le fauteuil.
Il a dit : « Vous aviez raison Linda lorsque vous m’avez dit que les médecins ne
sont pas Dieu. ». Il m’a écoutée, ai-je pensé. « J’ai vu un petit garçon de 5
ans mourir de choc simplement pour s’être heurté l’orteil. J’ai vu un homme de
65 ans, avec un cœur en très mauvais état, se faire réanimer après être tombé de
son bateau et s’être noyé. Il a survécu. Vous dites qu’un médecin n’est qu’un
homme. Vous avez raison. J’étais tellement frustré, fatigué et en colère dans
cette salle d’opération, que je me suis mis à hurler lorsque nous étions en
train de vous perdre. C’était soit crier, soit pleurer. Vous étiez mourante et
j’étais infoutu de faire quelque chose pour l’arrêter. Il va dorénavant falloir
que je reconsidère ce que je dis à un patient inconscient, n’est-ce pas ? ». Il
était maintenant détendu et de bien meilleure humeur.
« Vous étiez en train de mourir sur la table et je n’y pouvais rien. Mais
regardez-vous maintenant et voyez ce beau bébé plein de santé. Les médecins ne
sont pas des dieux et nous faisons des erreurs. ». Il tenait le bébé
contre sa poitrine et caressait sa tête soyeuse.
J’ignorais qui de moi ou du médecin allait pleurer le premier, mais lorsqu’il
m’a tendu Stephan, j’ai senti que son humeur avait à nouveau changé. Il était
tendu et froid. C’était sa façon de contenir les larmes menaçant de faire
craquer le vernis professionnel dont il avait recouvert ce qu’il considérait
comme une faiblesse. La conversation était terminée.
J’aurais voulu raconter au médecin toute l’histoire qui s’était déroulée dans la
salle d’accouchement, entre le moment où il était sorti et son retour avec la
sonnerie du bouton d’appel, mais une barrière m’en a empêché. C’est devenu ma
réponse sur le fait de savoir si c’était mon rôle de rendre cela public, de
raconter mon EMI au monde. C’est la dernière fois que je l’ai rencontré.
Aujourd’hui, j’ai été incitée à raconter cette histoire, donc je le fais.
Médicaments ou substances liés à l’expérience, ayant potentiellement pu
l’affecter ?
Non
Ce type d’expérience était-il difficile à exprimer avec des mots ?
Oui . Chaque fois que j’en parle, je pleure, même
aujourd’hui.
Au moment de l’expérience y avait-il une situation menaçant votre vie ?
Oui . J’étais mourante à l’hôpital, incapable
d’accoucher et refusant l’avortement. Lire l’histoire.
Quel était votre état de conscience et de lucidité au moment de l’expérience ?
Total
D’une certaine manière, l’expérience ressemblait-elle à un rêve ?
Non
Avez-vous vécu une séparation de votre conscience et de votre corps ?
Oui . Seulement lorsque
je suis retournée dans mon corps.
Avez-vous entendu des sons ou des bruits inhabituels ?
Pas avant de revenir. Ensuite les êtres spirituels,
comme on pourrait les appeler, m’ont parlé.
Etes-vous passé(e) dans ou avez-vous traversé un tunnel ou un espace fermé ?
Non
j’y suis allée directement.
Avez-vous vu une lumière ?
Oui , lisez l’histoire. Une merveilleuse lumière
brillante.
Avez-vous rencontré ou vu d’autres êtres ?
Oui , lire l’histoire
Avez-vous revu des évènements passés de votre vie ?
Oui . J’ai vu ma vie passée et environ les 15 années à
venir. J’en apprends plus chaque jour, l’expérience m’aide à vivre aujourd’hui.
Avez-vous observé ou entendu, pendant votre expérience, quoi que ce soit,
concernant des personnes ou des évènements et qui a pu être vérifié par la suite
?
Oui . On m’a dit ce que je devais faire et que j’allais
avoir un fils, que nous allions bien nous porter, on m’a aussi montré mon
avenir.
Avez-vous vu ou visité des lieux, niveaux ou dimensions admirables ou
particuliers ?
Non
Avez-vous ressenti une modification de l’espace ou du temps ?
Oui . J’ai perdu une période, je ne sais pas sur quelle
durée.
Avez-vous eu le sentiment d’avoir accès à une connaissance particulière, à un
sens et / ou à un ordre de l’univers ?
Oui . Je reçois toujours aujourd’hui un savoir
particulier.
Avez-vous atteint une limite ou une structure physique de délimitation ?
Oui . Lorsque je suis allée au centre de la lumière elle
m’a repoussée.
Avez-vous pris connaissance d’évènements à venir ?
Oui , tout était complet et exact.
Avez-vous été impliqué(e) dans, ou au courant d’une décision de retour au
corps ?
Oui . On m’a dit que je devais revenir et j’ai été
ramenée.
Avez-vous été impliqué(e) dans, ou au courant d’une décision de retour au
corps ?
Oui . Les voix continuent à me parler et me donner des
informations particulières. Celles-ci ne révolutionnent pas le monde mais sont
importantes pour moi et mes proches ou d’autres personnes que je rencontre.
A la suite de l’expérience, votre comportement ou vos croyances ont-ils changé ?
Oui . Beaucoup trop de choses à dire.
De quelle manière l’expérience a-t-elle affecté vos relations ? Votre vie
quotidienne ? Vos pratiques religieuses ou assimilées ? Vos choix de carrière ?
J’écoute ce que les voix me disent et je réponds. Elles
m’émeuvent. J’ai plus d’empathie. Je crois en un Dieu personnel qui a une
relation à l’humanité bien plus forte que je l’aurais cru possible.
Votre vie a-t-elle changé spécifiquement en conséquence de cette expérience ?
Oui . Je pense que tous les aspects de ma vie auraient
été totalement différents si je n’avais pas vécu l’expérience. Elle guide toute
ma vie.
Avez vous raconté cette expérience à d’autres personnes ?
Oui . Certaines, même aujourd’hui, pensent que j’ai
besoin de soins médicaux. D’autres, des inconnus avaient besoin de ce que je
leur ai dit, je ne les ai jamais revus ensuite.
Quelles émotions avez-vous éprouvées suite à votre expérience ?
De la joie, de l’amour puis de la confusion alors que
personne ne voulait en entendre parler. Je laisse Dieu me dire quand je dois en
parler.
Quelle a été la partie la meilleure et puis la pire de votre expérience ?
La meilleure a été la relation personnelle avec Dieu.
La pire a été de ne jamais savoir quand et à quel point je devais en parler.
Y a-t-il autre chose que vous souhaiteriez ajouter au sujet de l’expérience ?
J’ai attendu longtemps avant de pouvoir raconter toute
l’histoire en une seule fois. Merci.
Après l’expérience, d’autres éléments dans votre vie, des médicaments ou des
substances ont-ils reproduit une partie de l’expérience ?
Non
Les questions posées et les informations que vous venez de fournir
décrivent-elles complètement et avec exactitude votre expérience ?
Oui