EMI de Mark J
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DESCRIPTION DE L'EXPERIENCE :
E-mail :
jacoby_mark@hotmail.com
L’AUTEUR DEMANDE QUE SON RECIT N’APPARAISSE QUE SUR NDERF SAUF
S’IL DONNE SON AUTORISATION.
Le 17 décembre 1979 a amené
de la neige sur le lac Tahoe. C’était un jour d’école, le genre de journée où
l’on écoutait la radio, ou alors on appelait le dépôt de bus pour savoir si
l’annulation de la journée d’école au bénéfice d’une journée de neige était
annoncée. Ce genre de chose est relativement courant pendant les mois d’hiver
pour les écoles de la côte nord.
Bien sûr, pour un adolescent, rien ne pouvait être mieux qu’un jour d’école en
moins, tel un cadeau inattendu que nous acceptions sans rechigner.
Généralement, la tempête était trop forte pour bien skier ces jours là, les
routes étaient peu praticables, au moins le matin. Mais le Conté de Placer, dans
l’état de Californie, était toujours à la hauteur, ils avaient vite fait de
suffisamment dégager les routes principales pour que les bus scolaires puissent
circuler. Il me semblait que l’un de leurs mandats consistait à dégager d’abord
les principaux circuits des bus scolaires. A leur maudit crédit, ils y
parvenaient pratiquement toujours. Et ce 17 décembre là, ils ont fait leur
travail.
J’étais un élève de 17 ans au lycée de North Tahoe. A l’époque, depuis environ
un an je conduisais moi-même pour me rendre à l’école, soit dans le véhicule de
mes parents, soit plus tard dans ma propre voiture équipée de pneus neige
cloutés. Sans 4x4, toute personne du coin qui se respecte doit rouler avec des
pneus neige cloutés, comme ceux de ma voiture. Pour moi, utiliser des chaînes
était un signe de faiblesse et d’inexpérience. Car à Tahoe, soit on conduit sur
la neige, soit on fait du stop. J’ai roulé vers le lycée ce matin là. Pour la
plupart de mes amis et moi-même, conduire sur la neige était un jeu, il était
facile de glisser et de faire déraper les roues pour s’amuser, nous avions aussi
beaucoup de pratique pour rattraper des glissades imprévues. Les routes étaient
plutôt en bon état si on considère le niveau des chutes de neige. La conduite ne
me posait pas de problème, mais rappelez-vous qu’il tombait vraiment beaucoup de
neige.
Quand la journée de neige n’était pas déclarée le matin, les élèves du
lycée de North Tahoe et, je suppose, de bon nombre d’autres établissements,
regardaient par la fenêtre, ou sortaient dehors entre deux cours afin de voir la
neige s’amonceler. Parfois, le district des écoles unifiées de Tahoe Truckee
faisait arrêter les cours plus tôt lors de journées telles que celle-ci. Le
principe, c’est que la neige et l’état des routes allaient empirer et ils
voulaient envoyer les bus sur la route avant que cela ne devienne dangereux.
Bien que notre cadeau du matin ne soit pas arrivé, nous espérions qu’à tout
moment la voix de l’adjoint du Proviseur allait nous parvenir dans les
haut-parleurs, annonçant notre récompense sous forme d’un départ anticipé. Ces
demi-journées étaient en quelque sorte meilleures que les journées d’intempérie,
car nous n’avions pas à les rattraper en fin d’année, nous avions le bénéfice
supplémentaire d’être avec nos camarades et de connaître les projets de chacun
pour le reste de la journée. Je ne devais jamais savoir si le lycée allait
fermer plus tôt ce jour là.
En novembre 1979, le groupe Pink Floyd a sorti l’un des albums les plus
populaires de la décennie : « The Wall ». J’étais le premier gamin du bâtiment
et même de tout le lycée semble-t-il, à avoir cet album en cassette. Depuis
quelques jours, je l’écoutais et le passais à mes amis, j’ai demandé à l’un
d’eux si nous pouvions passer quelques chansons chez lui pendant la pause
déjeuner. Tim, dont le père était promoteur immobilier ou quelque chose de ce
genre, était l’un de mes nombreux amis dont les parents étaient fortunés. Les
camarades ayant des parents riches étaient aussi communs à Tahoe que les copains
possédant un animal en d’autres endroits où j’avais vécu. Leur appartement était
situé en bord de lac et il y avait un chaîne hi fi très coûteuse dans le salon.
Les parents de Tim n’étaient presque jamais présents ; j’ai supposé qu’ils
étaient partis quelque part afin de gagner encore plus d’argent, à l’origine de
la belle maison et de la chaîne hi fi. Nombre de mes amis « gosses de riches »
avaient des parents absents.
Tim possédait aussi un Jeep CJ toute neuve. Elle avait de gros pneus et quatre
roues motrices, c’était le meilleur jouet de neige pour de jeunes conducteurs.
La cloche du déjeuner a donc sonné et nous avons traversé le parking du lycée en
direction de la Jeep. Cette marche était confortable pour moi dans ma nouvelle
doudoune. Posséder une doudoune, c’était comme avoir un 4x4 ou des pneus neige
cloutés sur sa voiture, cela faisait partie du kit de survie des indigènes de
Tahoe. Certains autochtones pur jus adoraient rafistoler leur grande doudoune
avec du chatterton, il n’y avait pas de chatterton sur la mienne parce qu’elle
était neuve.
Les chutes de neige s’étaient intensifiées ; elles s’étaient en fait converties
en tempête de neige. Le blizzard était arrivé au point magique qu’atteignent
parfois les tempêtes de la Sierra, quand les chasse-neiges ne parviennent plus à
compenser les averses de neige. Les jours où cela se produit, la circulation
locale des mamans faisant les courses et des professionnels allant et venant,
suffit à remplacer les chasse-neiges en tassant fortement la neige à la surface
des routes. Dans les endroits où les chasse-neiges enlèvent la neige sur les
routes, ce processus de tassement durcit et compacte la neige jusqu’à
pratiquement atteindre la résistance du béton sur la chaussée.
C’est précisément sur une telle surface que la musique de « The Wall » a
accompagné le son des essuie-glaces tout le long du trajet jusqu’à la maison de
Tim. Il habitait à seulement environ trois kilomètres du collège, bien que nous
ayons dérapé plusieurs fois, une fois que Tim a réglé sa vitesse pour coexister
avec cette surface mortelle, la Jeep n’a pas posé de problème dans ces
conditions. Arrivés à l’appartement au bord du lac, tout en mangeant des
sandwiches et en buvant des sodas, nous avons écouté les Pink Floyd sur des
enceintes Sansui pourvues de boomers surdimensionnés. L’heure est venue de
ramener la cassette dans la Jeep et de repartir vers l’école.
A côté de l’appartement se trouve Star Harbor, le port d’attache de la station
des garde côte du nord du lac Tahoe, il s’y trouve une rampe à bateaux et un
grand parking. Avec plus de soixante centimètres de poudreuse fraîche sur le
parking, peu de jeunes conducteurs de Jeep auraient pu résister à un tel terrain
de jeu, Tim n’a pas fait exception. Il a foncé dans le parking et m’a montré ses
tours. Une acrobatie consistait à prendre de la vitesse aussi vite que possible,
puis à tourner le volant d’un côté ou de l’autre tout en tirant violemment le
frein à main, nous autres, gens de Tahoe, appelions cela virage en « freinage
d’urgence ». Tim et moi avons profité du parking jusqu’à la dernière seconde
pour ne pas être en retard pour le retour de pause déjeuner. Tim a quitté Star
Harbor sur la route de Lake Forest en direction du lycée.
Tandis que nous déjeunions à l’appartement, une autre condition de route
hivernale avait émergé, un chasse-neige était passé sur la route de Lake Forest.
Lorsqu’un chasse-neige équipé d’une lame droite normale rencontre ces conditions
de neige blanche compactée, dure comme de la pierre, il enlève peu de neige. Il
pèle juste la couche rugueuse au dessus de la surface tassée, tout comme une
lame de rasoir enlève la peinture sur une vitre. Le fait de peler laisse une
surface lisse ressemblant à du marbre blanc poli. Ce type de surface sur la
route est tellement glissant qu’on peut à peine tenir debout ou marcher dessus.
En y ajoutant environ cinq millimètres de neige, conduire sur une patinoire
n’aurait pas été différent. La route de Lake Forest était ainsi.
Je n’ai jamais posé la question, mais je suppose qu’après environ 500 mètres sur
la route de Lake Forest, Tim a décelé ce qu’il a cru être un bon endroit pour
faire un virage en freinage d’urgence. Je ne pense cependant pas que l’un de
nous se soit douté de ce qui allait se passer ensuite, une fois le dérapage
amorcé sur cette glace mortellement glissante, la Jeep a en fait paru accélérer.
Elle a glissé totalement hors de contrôle. Déraper dans la neige sans rien
maîtriser était une sensation familière, je l’avais connue de nombreuses fois
auparavant, généralement par jeu, quelquefois accidentellement. Nous glissions
vers la droite, côté conducteur en direction d’une allée. La vitesse était
probablement d’environ de 60 Km/h, toutefois nous ne ralentissions pas du tout.
En regardant dans la direction de la glissade, j’ai vu que nous allions vers un
poteau téléphonique. En pensée, j’ai vu le poteau céder sans conséquence, tout
comme un poteau de bois sur lequel j’avais roulé auparavant. Je nous ai ensuite
imaginés bloqués dans le tas de neige profonde, devant pelleter pour sortir. Je
me suis dit : « Super, on va être coincés, il va falloir creuser et on sera en
retard pour revenir de la pause déjeuner. ». La Jeep a continué à déraper et le
temps a paru ralentir. Tandis que nous glissions, je continuais à regarder le
poteau, il m’a semblé que nous allions peut-être le rater. Ce qui s’est produit
a en fait été très différent. Mon dernier souvenir fut peut-être un bruit fort,
plutôt semblable à des parasites qu’à une percussion bruyante, un bref éclair de
lumière l’a accompagné, puis ce fut l’obscurité.
Le son suivant que j’ai entendu, c’était « The Wall » des Pink Floyd en
provenance de l’autoradio de la Jeep. Je me suis éveillé lentement, j’étais
presque entièrement engourdi. L’ensemble de mon corps fourmillait, tout comme
mes jambes s’engourdissent lorsque je reste en tailleur trop longtemps. J’avais
aussi l’impression d’avoir un sifflement ou un bourdonnement dans les oreilles.
Cependant, lorsque ma vision s’est progressivement rétablie, j’ai vu que j’étais
allongé sur le dos juste sous le différentiel arrière de la Jeep, je fixais le
train arrière. J’ignore depuis combien de temps je me trouvais là. Cela m’a
beaucoup troublé ; je ne savais vraiment pas quoi penser. J’ai cru que j’avais
rampé, je ne sais comment, sous la Jeep de Tim, mais je ne me souvenais ni de
l’avoir fait, ni du motif. Je ne me rappelle plus si on m’a extrait ou si je
suis sorti tout seul de sous la Jeep, bien qu’il semble que je me sois repris
d’une manière quelconque. Je me souviens bien m’être tenu debout sur la route
derrière la Jeep, puis retomber immédiatement, à nouveau inconscient.
Lorsque je me suis réveillé encore une fois, Tim et une inconnue me traînaient
sur la route par les bras. Je ressentais des coups de couteaux et de poignards
dans le bras gauche, je sentais des raclements et quelque chose de très lâche et
aigu dans le bras, l’épaule ou la poitrine, je n’aurais su dire ce qui se
passait, mais d’une manière quelconque je m’étais rendu compte que j’avais le
bras cassé. J’ai dû dire à Tim de lâcher, que j’avais le bras fracturé et qu’il
me faisait mal. Il m’a lâché le bras et m’a attrapé par la taille tandis que je
m’appuyais plus fortement à ma droite, sur la dame. J’ai commencé à réaliser que
je ne pouvais plus respirer. J’avais l’impression que le bras autour de ma
taille ou que le poids de mon corps dans leurs bras alors qu’ils me traînaient,
avait dû me couper le souffle d’une manière ou d’une autre. Ils m’ont emmené
chez la dame qui me tenait le bras droit et m’ont allongé sur le canapé du
salon. J’ai à nouveau perdu connaissance, je pense qu’à l’époque, j’aurais dit
que je m’étais endormi.
Réveillé une fois encore, j’ai entendu des voix. Tim était là, la dame inconnue
et un autre homme se trouvaient également dans la pièce. J’avais dû gémir ou
crier car ils discutaient de la façon de me soulager. J’ai vaguement entendu
qu’ils avaient appelé une ambulance et que la police routière était en chemin.
Soit les souvenirs sont partis, soit je n’ai jamais eu une image très claire de
ce qui se passait. A ce moment là, je savais que j’avais eu un accident de
voiture, que nous avions percuté le poteau téléphonique et qu’il n’avait pas
cédé. J’ai entendu l’homme et la femme se parler, ils avaient décidé d’allumer
un joint de marijuana pour moi, il allait soulager la souffrance. Lorsque
l’homme me l’a tendu, il m’a fallu lui dire que je ne pouvais pas fumer, j’avais
trop de difficultés à respirer. En fait, ma respiration semblait devenir plus
difficile à chaque inspiration. J’ai appris plus tard que mes poumons étaient en
train de s’effondrer.
J’essayais frénétiquement d’attirer l’attention de Tim. Dans ma poche, il y
avait de la drogue dans un sachet. Je voulais la cacher avant que la police
n’arrive, mais je ne pouvais pas bouger le bras pour mettre la main dans la
poche. J’ai finalement réussi à attirer son attention, il a dû s’agenouiller
près du canapé et coller l’oreille près de ma bouche pour m’entendre. Il a
glissé la main dans ma poche, enlevé le sachet qu’il a glissé sous le canapé.
Parler devenait plus difficile à chaque respiration. Mais j’étais soulagé que la
dope ne soit plus en ma possession. Je ne voulais pas avoir d’ennuis avec la
police à cause de ce petit accident. J’étais loin d’imaginer à quel point
j’avais déjà des ennuis.
Lorsque le patrouilleur de la police est arrivé, il a commencé à me poser des
questions. A ce moment là, je ne parvenais plus aspirer suffisamment d’air pour
pouvoir émettre autre chose qu’un bas murmure. Je sais qu’il m’a demandé mon nom
plusieurs fois, chaque fois que je lui répondais, il répétait : « Savez-vous ce
qui s’est passé ? Comment vous appelez-vous ? ». Je lui répondais : « Je
m’appelle Mark Jacoby et nous avons eu un accident avec la Jeep. », mais
apparemment il ne m’entendait pas. Je me suis peut-être rendormi, mais j’ai
entendu Tim et le policier parler de l’accident, Tim lui a dit mon nom.
Franchement, j’ignore combien de temps je suis resté allongé là, je dirais 45
minutes, mais cela aurait aussi bien pu être 10 minutes ou une heure, tout était
passablement faussé. Je me souviens avoir dérivé entre veille et sommeil. Il y a
eu ensuite plus d’agitation, j’ai entendu les infirmiers arriver.
Deux infirmiers des pompiers de la ville de Tahoe étaient agenouillés près de
moi, j’ai trouvé bizarre qu’ils me posent la même question que le policier :
« Comment vous appelez-vous ? Savez-vous où vous vous trouvez ? Savez-vous ce
qui s’est passé ? Où avez-vous mal ? » Je leur ai répondu comme au policier,
mais comme ils continuaient à répéter leurs questions, j’ai supposé qu’ils
jouaient à un jeu ou quelque chose de ce genre. Il ne m’est pas directement venu
à l’idée qu’ils ne pouvaient pas m’entendre. J’étais de plus en plus frustré par
mes tentatives pour leur parler. Ils se sont agités autour d’un des sacs qu’ils
avaient amenés, sortant une paire de ciseaux avec lesquels ils se sont mis à
découper ma nouvelle doudoune. J’essayais désespérément de les arrêter, je
venais en effet juste de l’acheter. Il semble que j’aie réussi à les inciter à
me l’enlever, mais honnêtement, je ne m’en souviens pas.
Ensuite, ils ont découpé ma chemise. Je me rappelle que cette chemise avait des
bandes de tissu. Lorsqu’ils ont enlevé les bouts de toile découpée, pour la
première fois j’ai commencé à comprendre ce qui m’était arrivé. En abaissant les
yeux vers ma poitrine, j’ai vu que l’épaule gauche était déplacée de façon
grotesque, quasiment jusqu’au milieu de la poitrine, elle se trouvait sous le
mamelon. Chaque mouvement était devenu douloureux. Tout ce que les infirmiers me
faisaient me causait des souffrances extrêmes, j’ai essayé de hurler mais je
n’arrivais pas à inspirer suffisamment d’air pour le faire.
En regardant mon corps déformé, j’ai commencé à penser que je ne regardais pas
du tout mon corps. C’était peut-être dû au choc, ou à quelque chose d’autre,
mais c’est là que cela a commencé à devenir très étrange. Je me souviens avoir
concentré toute mon énergie sur ma respiration, en effet, je ne pouvais
tout simplement plus respirer suffisamment. Ma vue était bizarre également ;
l’air paraissait troublé, comme si je pouvais le voir. J’ai regardé mon corps
tordu et je me suis rendu compte que j’avais changé de point de vue. Tout
d’abord j’ai réalisé que j’étais très gravement blessé, bien plus qu’une simple
fracture. J’avais l’impression de regarder les infirmiers ainsi que ma propre
épaule depuis l’endroit où ladite épaule aurait dû se trouver : à gauche et
juste au dessus de mon oreille gauche. Cela a augmenté mon trouble. Je me
rappelle avoir parlé aux infirmiers et les avoir regardé dans les yeux, c’était
pourtant impossible ; ils se tenaient au dessus de moi et j’étais allongé sur le
dos. La vision de mon corps et toute cette confusion semble avoir été trop pour
moi, j’ai tenté de me rendormir. Toutefois, respirer était plus difficile que
jamais.
J’appréciais le sommeil ; c’était la seule façon d’éliminer la douleur. Etre
éveillé signifiait souffrir, la douleur semblait avoir remplacé toutes les
sensations. Respirer faisait mal, tenter de parler faisait mal, mon esprit
faisait mal à cause de l’incapacité à communiquer avec les infirmiers, l’épaule
me faisait mal, la poitrine me faisait mal, le cou me faisait mal, le dos me
faisait mal et les muscles du ventre me faisaient mal en tentant d’aspirer de
l’air dans une poitrine écrasée, toutes ces parties étaient extrêmement
endommagées.
C’était différent de toutes les douleurs que j’avais éprouvées auparavant.
C’était une douleur sèche, aiguë, piquante, comme une entaille que l’on
continuerait à découper, ou bien une brûlure interne qui ne s’améliorerait pas
en retirant la source de chaleur. Cette souffrance empirait, elle allait se
maintenir. Il ne servait à rien de rester tranquillement allongé pour la faire
partir. De plus les infirmiers me remuaient, ils passaient les mains sur mon
corps, à la recherche de blessures. Il n’y avait pas de soulagement à cette
douleur.
J’avais mis tant d’énergie à respirer, que cela m’épuisait et la respiration me
faisait souffrir. Je n’y arrivais plus, quels que soient mes efforts, cela
devenait trop difficile. Je ne savais pas vraiment pourquoi, c’était tellement
troublant. J’étais épuisé, non pas comme après une dure journée de travail ou de
jeu, c’était l’épuisement de toute une vie. Dans le sommeil ce corps cessait de
faire mal. Il y avait également quelque chose d’autre durant l’endormissement.
Cela a commencé doucement, depuis un endroit très lointain et profond à
l’intérieur, mais cela se rapprochait de plus en plus à mesure de l’allongement
de l’assoupissement. Le rythme de ma respiration semblait être alors la seule
chose dont j’étais conscient.
Je dis que je dormais, mais en fait je perdais connaissance à cause d’une
combinaison de douleur, manque d’oxygène, choc, ou probablement de tout cela à
la fois. Mais d’une certaine manière, j’étais conscient. Je sentais alors les
inspirations, expirations laborieuses se ralentir, les respirations paraissaient
durer très, très longtemps. Je me souviens d’une en particulier. Je ne me
rappelle pas tellement de l’inspiration, mais le souffle est très net dans ma
mémoire. L’exhalaison a paru trop importante. J’ignore d’où provenait cette
quantité d’air, mais il semble que j’ai expiré lentement et totalement, plus
complètement que toutes les respirations jamais ressenties auparavant. En fait
j’ai continué à exhaler après que l’air ait paru avoir quitté le poumon qui me
restait. J’ai ressenti un déplacement avec cette expiration. C’était comme si
j’avais pu, j’ignore comment, ressentir l’air une fois qu’il avait quitté mon
corps. J’étais en fait cet air qui partait de mon corps. J’ai eu la sensation
d’être détaché de mon corps. C’est difficile à décrire et tout à fait
désorientant sur le moment, j’ai voyagé hors de mon corps à l’intérieur de ce
dernier souffle. D’une certaine manière, je ressentais le moi que j’étais, quel
qu’il soit, quittant le canapé avec une sorte de sensation de souffle. Ce
nouveau sentiment était concentré dans ma tête, comme si j’avais été aspiré au
niveau du visage par une force similaire à un aspirateur qui aurait attiré ce
dernier souffle.
La douleur m’avait quitté, mais je n’étais pas endormi. Je voyais. Je voyais
toujours les infirmiers qui me parlaient. Ils savaient que j’avais cessé de
respirer, ils se parlaient entre eux et l’un d’eux me disait de rester avec lui.
Maintenant je les regardais dans les yeux. Lentement j’ai vu leur visage qui
semblait s’enfoncer sous moi, rapidement j’ai abaissé le regard vers l’infirmier
qui parlait le plus. C’était très troublant ; je commençais à me rendre compte
que quelque chose de très étrange se produisait, bizarre et pourtant quelque peu
familier. Je savais que cette scène n’était pas du tout normale, j’avais en
effet conscience d’être allongé sur le canapé. Je le savais car j’étais certain
de ne pas m’être levé. Je le savais aussi car j’avais tenté de m’asseoir
auparavant, me rendant compte que la situation avait progressivement empiré
depuis. J’avais de plus conscience de ne plus être endormi. J’ai focalisé ma
volonté afin d’orienter mon champ de vision vers le canapé. Ce que je trouve
bizarre encore aujourd’hui, c’est que je n’étais pas surpris de voir mon corps
en dessous de moi.
Ce « savoir » a changé les choses. Je ne pense pas avoir alors su que je
mourais, mais je savais que c’était grave. Au début, après avoir réalisé que je
n’étais plus dans mon corps, il y a eu un moment de panique. Non pas une panique
causée par la peur mais plutôt par la désorientation. Je me sentais désorienté
comme si je m’étais tenu sur la glace après une glissade inattendue, battant des
bras à la recherche de l’équilibre, revenant tout juste sur mes pieds, n’osant
plus bouger de crainte de glisser à nouveau. Il y avait une certaine sensation
d’apesanteur, comme au sommet d’un plongeon de haut vol, ou lorsqu’un ascenseur
se met à descendre de façon inattendue. Ces sensations étranges ont paru
persister pendant un moment, suffisamment longtemps pour le remarquer alors que
la scène changeait à nouveau.
Je ressentais une sensation de mouvement, pas nécessairement mon propre
déplacement, mais la pièce a commencé à se déformer autour de moi. Je voyais les
infirmiers et moi-même, mon champ de vision s’est élargi pour englober toute la
pièce, j’ai pu voir les autres, le policier, mais c’était déformé. C’était comme
si la pièce s’allongeait, comme si j’avais été au plafond mais que celui-ci
s’élevait. Ce n’était qu’une pièce normale avec un plafond situé à environ deux
mètres cinquante, mais ma vision donnait l’impression que le plafond se trouvait
peut-être à 10 mètres. A ce moment, la sensation de mon champ visuel s’est
déformée, donnant une impression de mouvement. C’était comme si j’avais été tiré
en arrière. Je ne prenais pas nécessairement de l’altitude, mais je me séparais
de cette scène. J’avais la sensation que le monde s’éloignait de moi, j’étais en
train de faire partie de quelque chose d’autre qui me réclamait.
J’ai abaissé le regard vers les personnes dans la pièce. Elles paraissaient
différentes également. C’était comme si leurs contours avaient été tracés avec
un crayon de lumière produisant un genre de luminosité autour des lignes de leur
corps. L’air était flou et d’un ton violet. Comme si les molécules d’air avaient
été d’un violet translucide. Je voyais l’air. Puis j’ai décelé un genre de
sifflement et une étrange sensation d’obscurité tandis que je traversais en
flottant ce qui aurait été le plafond. Je me suis alors retrouvé dans la
tempête, je sentais la neige tomber, tout en continuant à fusionner vers le haut
avec quelque chose auquel j’étais relié. Une impression de grande attraction
s’est fait sentir. Je n’appellerais pas vraiment cela de la vitesse, le monde
semblait s’éloigner rapidement de moi plutôt que le contraire. La scène au
dessous de moi a paru s’étirer en une déformation infinie.
Bien que ce soit difficile à décrire, c’était comme si la pièce, le bâtiment et
la tempête de neige étaient projetés sur une sphère de tissu. Je m’élevais vers
le haut de cette sphère qui se déformait, comme lorsqu’on soulève un drap de lit
en le pinçant avec les doigts, la scène se drapait et se déformait à mesure que
mon point de vue s’élevait tandis que j’étais soulevé en hauteur, le drap du
monde se pendant autour de moi, se déformant de plus en plus à mesure de
l’élévation de ma perspective.
Je retournais d’où j’étais venu. Je ne peux pas correctement décrire ce
sentiment, mais j’avais connaissance de cet endroit, il m’était familier, je m’y
étais trouvé auparavant. Ce n’est pas tant que mon corps et le monde n’aient pas
été familiers, que je n’y ai pas eu ma place, ils étaient familiers également.
Mais cet endroit, vers lequel j’allais, me donnait l’impression d’être chez moi,
non pas comme le chez moi de l’époque, mais comme un souvenir du chez moi de mon
enfance, lorsque maman s’occupait de moi. J’avais la sensation d’être attendu,
que des bras ouverts m’attendaient.
A ce moment là, j’avais conscience d’un grand voyage. Un voyage que je venais
juste d’entamer, une grande distance à parcourir dont je n’avais couvert qu’une
portion. Mes sens se sont également transformés dans ce mouvement. Je n’avais
plus de sens de la vue, ni de la température, ni du mouvement. Je ne percevais
pas de douleur et je ne me souviens pas avoir disposé de l’ouïe. De ce moment,
la seule sensation dont je me rappelle c’est un profond sentiment d’amour, plus
profond que tout ce que j’avais éprouvé auparavant. Il s’agissait pourtant d’un
sentiment familier, je l’ai reconnu comme de l’amour, il semblait émaner de
partout dans ma direction et de moi vers l’extérieur. C’était un sentiment
chaleureux, réconfortant, une sensation de parfait bien être.
J’avais également l’impression qu’une lourde charge m’avait été enlevée. Je
m’étais déjà trouvé là. J’ai alors su où j’étais, bien que je n’aurais pu nommer
cet endroit. J’étais retourné d’où j’étais venu et j’en ignorais le nom. Je sais
pourtant qu’on lui colle beaucoup d’étiquettes, cela aurait pu être le paradis,
le purgatoire, un genre de samadhi, une collectivité d’âmes, je ne sais
personnellement comment le nommer. Je vais seulement tenter de le décrire tel
que je m’en souviens, car je pense que coller une étiquette sur cet endroit
revient à le nommer en fonction de ce qu’il n’est que partiellement. Je m’étais
trouvé là avant.
Je n’étais plus seul, je sentais une autre présence. C’était, en quelque sorte,
comme si nos sentiments, nos émotions et notre savoir avaient fusionné. Puis une
voix a retenti. L’utilisation du mot voix est intéressante, je ne disposais en
effet pas du sens de l’ouïe, je soupçonne que je n’avais pas d’oreilles bien que
je n’aie pas le souvenir clair de ce à quoi mon « corps » pouvait bien
ressembler dans cet endroit. C’était plutôt une pensée dans mon esprit qui
n’était pas une de mes pensées. C’était la pensée de quelqu’un d’autre. C’était
un genre de télépathie, mais c’était tout à fait naturel pour moi car c’était
vraiment familier. Non seulement ce style de communication par télépathie était
familier, mais j’ai également reconnu ce quelqu’un particulier dont je
partageais les pensées.
La façon dont nous avons commencé n’est pas nette, si ce n’est que le résultat
de ce premier message fut pour moi de me mettre à éprouver une série de
sentiments au sujet de ma vie. C’était le fameux : « ma vie a défilé devant
moi » ou passage en revue de la vie ainsi que je l’ai entendu dire depuis. Je le
décrirais comme une longue série de sentiments fondés sur de nombreuses actions
de ma vie. La différence, c’est que non seulement j’ai revécu les
sentiments, mais j’ai aussi ressenti une sorte d’empathie à l’égard des émotions
des personnes de mon entourage qui étaient touchées par mes actes. En d’autres
termes, j’ai également ressenti ce que les autres avaient éprouvé par rapport à
ma vie. Le plus puissant de ces sentiments venait de ma mère.
J’ai été adopté alors que j’étais bébé. J’ai été un peu rebelle. Quand j’étais
petit, j’ai parfois fait du mal à d’autres enfants, je me suis également drogué
et enivré, j’ai volé, roulé comme un fou, eu des mauvaises notes, commis des
actes de vandalisme, maltraité ma sœur, été cruel envers les animaux, la liste
est longue. Toutes ces actions ont été revécues en un éclair, associant mes
sentiments et ceux des parties impliquées. Mais le plus profond était une
émotion de ma mère. J’ai ressenti ce qu’elle éprouvait en apprenant ma mort. Son
cœur s’est brisé, avec une grande souffrance, tout était mélangé cependant, avec
des sentiments au sujet de la quantité d’ennuis dans lesquels j’étais impliqué.
J’avais la sensation qu’il était tout à fait tragique que cette vie se termine
si tôt, en n’ayant pas vraiment fait beaucoup de bien.
Cela m’a laissé le sentiment que je n’avais pas terminé ce que j’avais à faire
dans la vie. Le chagrin que je ressentais de la part de ma mère et de mes amis
était intense. En dépit de ma vie troublée, j’avais de nombreux amis, dont
certains étaient proches. J’étais bien connu, sinon apprécié, j’ai pu ressentir
beaucoup de choses dites au sujet de ma vie et de ma mort. Eprouver le chagrin
de ma mère était écrasant.
Il y avait également d’autres émotions, des camarades d’école, en fait
pratiquement tous les élèves réagissaient à la nouvelle de ma mort. J’ai
ressenti une grande quantité de pensées, de tristesse, de chagrin et de prières.
Je ressentais aussi les pensées de ma famille éloignée. Des gens que je ne
connaissais même pas étaient affectés également, des membres de la communauté,
des gens qui lisaient la nouvelle ou l’entendaient à la radio. D’une certaine
façon, j’ai ressenti simultanément toutes les répercussions de ma mort. Chacune
des pensées en tant qu’émotion individuelle, mais synthétisées d’une façon plus
significative en un sentiment général. Ce n’était pas tellement un jugement sur
la signification de ma vie, mais plutôt la manière dont moi et autrui
ressentions mes actes au cours de la vie. « L‘autre » ne jugeait pas ces
sentiments non plus, nous les vivions ensemble.
J’ai à nouveau pris conscience des pensées de « l’autre ». Il avait vécu ces
émotions en même temps et de la même manière que moi. C’était comme si nous
venions juste de voir un film ensemble et que nous discutions de nos sentiments
à son sujet. Au lieu d’un film que nous aurions seulement visionné, c’était un
film que nous avions ressenti. Je ne peux pas dire s’il s’agissait de Dieu, de
mon guide spirituel, de Jésus ou d’un membre de ma famille. Mon sentiment à ce
sujet, c’est qu’ils sont tellement similaires que ce n’est pas une étiquette
vraiment pertinente à appliquer à cet « autre ». A ce moment là, cet « autre »
donnait en fait plutôt l’impression d’être un ami très proche. Je peux dire avec
certitude que cette voix et moi étions alors ensemble d’une façon très profonde,
que nous avons été et serons toujours ensemble. Dans ce sens, cela cadre avec
certaines choses que j’ai lues dans les écritures au sujet de Dieu. J’ai
également lu des choses similaires au sujet des anges gardiens, des guides
spirituels et du moi supérieur. Pendant cet échange je ne me préoccupais pas
d’étiquettes.
Je dois tenter d’expliquer ce qui ne peut être exprimé par des mots. Cet endroit
faisait partie de moi et moi de lui. Nous ne sommes pas et n’étions pas séparés,
même alors que j’écris ces mots, des années après l’expérience, cet endroit et
moi ne faisons toujours qu’un. L’expérience de s’y trouver correspond à exister
en tant qu’amour, amour intérieur ne connaissant que l’amour. C’est comme si
l’émotion d’amour est ce que j’ai toujours été à la fin et au commencement.
L’amour est tout ce que j’ai été. Et, pour extrapoler cela à l’existence
humaine, nous sommes tous reliés de cette manière, dans cet endroit qui est
toute chose, toute personne, la vie est l’amour et l’amour est la vie. Chacun
des atomes de l’univers est relié de cette façon.
Alors que je m’éloignais de mon corps en flottant, j’avais d’une certaine
manière conscience des molécules d’air, pas d’une façon scientifique, mais dans
le sens où il y avait un lien entre les molécules d’air et ce que j’étais
devenu, ou plutôt, ce que j’avais toujours été. Dans ce cadre de pensée, je suis
toujours relié à toute chose. Au cours de conversations au sujet de mon
expérience j’ai également dit, et je continue de l’affirmer, que ce dont il
s’agit réellement est bien plus grand que tout ce que j’ai vécu dans l’église,
ou dans la littérature, quel que soit le support. Cela transcende la capacité de
l’expression humaine. Dans ma conscience, j’en suis devenu ou redevenu une
partie.
Après avoir résumé les sentiments d’une courte durée de vie, l’échange de
pensées a continué. La question suivante a été introduite dans mon esprit :
« Veux-tu rester ? ». La voix paraissait poser en fait de nombreuses questions
simultanément. Dans cette question, j’ai décelé de très nombreux sens
différents : « En as-tu terminé avec cette vie ? Veux-tu terminer la tâche que
tu devais accomplir dans cette vie ? Veux-tu que tes proches subissent ce
chagrin ? ». Tout cela a été demandé instantanément, en une seule pensée. Dans
mon souvenir, le choix m’appartenait, dépendant totalement de mon libre arbitre.
Mais j’ai aussi le sentiment que dans la question, les répercussions et les
résultats de chaque décision étaient également connus. Les émotions et les
conséquences de ma décision étaient ressenties pour chaque version de la
question. Le sentiment de peine qu’éprouvait ma mère en apprenant ma mort
dominait mes émotions. Cependant, quelque part sous cet écrasant sentiment de
chagrin, se trouvait un sens du devoir et de la tâche à accomplir.
Bien que par certains côtés le dialogue et les images de cet échange semblent
avoir été difficiles, je dois insister sur l’atmosphère de compassion et d’amour
immenses dans laquelle a eu lieu l’échange. Ce fut en fait le moment le plus
paisible et calme de ma vie. Je ne peux correctement exprimer à quel point cette
expérience a été naturelle et bonne. Dans cet endroit, avec cet être, tout se
passait mieux que bien. Acceptation et compréhension de tous mes sentiments
étaient partagés instantanément avec cet être qui m’aimait inconditionnellement.
Tout ce qui a pu être demandé par ailleurs est perdu pour moi maintenant, mais
ma réponse à la question a été : « Si je repars, pourrai-je revenir ici
plus tard ? Est-ce que ce sera toujours ainsi ? » La réponse a été immédiate,
apparemment j’avais décidé et le résultat a été instantané. J’avais un masque à
oxygène sur le visage et je luttais pour me réveiller. Je sais qu’on prévoyait
de démarrer la réanimation cardio-pulmonaire sur moi, je ne voulais pas qu’on le
fasse car ma poitrine me faisait énormément souffrir à nouveau. Je me suis
réveillé et un infirmier tenait un inhalateur d’ammoniaque sous mon nez, après
avoir fait glisser vers le haut le masque à oxygène, recouvrant légèrement mes
yeux. Je me suis éveillé dans une telle douleur que cela défie la description.
J’ai faiblement émis un grognement affreux. Cette fois l’infirmier m’a entendu ;
il a cessé de me poser la même question encore et encore. Il s’est enfin adressé
réellement à moi. Je me souviens comme si c’était hier de son nouveau refrain,
le reste de mon expérience est très net pour moi. Il a dit « Ne te rendors pas
Mark. ». Tout le long de la route jusqu’à l’hôpital, il a répété cette antienne
d’un ton très exercé.
L’oxygène était apparemment juste suffisant. En dépit du traumatisme au thorax,
il me restait un bon poumon. Je pense que celui qui restait n’était pas
suffisant pour me maintenir, à cause de la pression de l’articulation de
l’épaule, avec hémorragie associée, sur ce « bon » poumon et les côtes.
L’oxygène avait toutefois fourni à mon cerveau et mon sang, désespérément sous
alimentés, le coup de pouce nécessaire pour rester en vie. L’infirmier m’avait
sauvé de la mort, au cours des mois qui allaient suivre, j’allais pourtant
regretter à la fois ses actes et ma décision. La douleur était revenue et
prenait sa revanche.
Je ne me rappelle pas du moment où on m’a installé sur le brancard ; je crois
que j’ai dormi pendant un instant. Mon souvenir suivant, c’est la neige qui
tombait sur mon visage tandis qu’on m’emmenait en me tirant et en me portant
dans la neige, de la maison vers l’ambulance. A un moment j’ai ressenti un
violent sursaut, soit quand on m’a lâché, soit quand le brancard a heurté une
grosse bosse.
Avec cette nouvelle douleur, j’ai juré à haute voix, je me souviens nettement de
la réaction des infirmiers, c’était probablement la première fois qu’ils
entendaient ma voix. Ils se sont arrêtés et l’un d’eux s’est penché sur moi,
mettant l’oreille près de ma bouche. Je ne pense pas qu’il ait entendu autre
chose car il a répété : « Comment ? » plusieurs fois. Le flou violet est revenu,
j’ai regardé dans la tempête et je me suis senti partir à nouveau. Je crois que
ce que je voulais lui dire, c’est que j’allais mourir s’ils me lâchaient à
nouveau. En quelque sorte, je voulais lui faire savoir que j’étais en pétard et
que j’allais partir s’il continuait à me faire mal. Toutefois aucun son n’a
passé mes lèvres ; j’étais de nouveau occupé à quitter mon corps pendant qu’il
collait l’oreille sur ma bouche.
Ils sont repartis. La douleur était incroyable. Quelques cahots plus tard, je me
suis retrouvé dans l’ambulance. Normalement il faut au plus une demi-heure de
trajet pour aller de Lake Forest à l’hôpital de Tahoe Forest à Truckee, mais ce
jour là, le voyage a été long et affreux, il y avait le blizzard, l’ambulance
avait des chaînes qui secouaient et agitaient mon corps fragile, tordu au delà
du tourment. Tout le temps, mon ami infirmier me chantait son refrain :
« Comment ça va Mark ? Il faut que tu reste éveillé pour moi, Ok mon gars, on
est presque arrivés. ». Après environ une centaine d’autres : « Ne te rendors
pas Mark ! », même l’autre infirmier s’y est joint, comme l’oxygène m’avait
redonné la force de protester, je pense que j’ai réussi à dire : « Je n’ai pas
mal quand je dors. », le chœur a alors entonné : « Il faut rester éveillé,
d’accord mon gars. ». J’avais envie de prendre les chaînes de l’ambulance et
d’étrangler les infirmiers avec, je voulais juste m’étendre dehors dans la
neige. Je voulais dormir.
Ce type d’expérience était-il difficile à exprimer avec des mots ?
Oui . L’amour et la compréhension écrasants, le type de
communication semblable à la télépathie, la notion d’absence de continuum
temporel, connaître les liens entre toute chose, la grande quantité de savoir
présente dans un instant hors du temps, les souvenirs de « l’endroit » où je
suis revenu, la connaissance des mécanismes de l’univers et de la vie. Tant de
choses ont peu d’équivalents dans le langage.
Au moment de l’expérience y avait-il une situation menaçant votre vie ?
Oui . J’étais écrasé entre une Jeep et un poteau
téléphonique, j’avais subi un traumatisme étendu du thorax, des dommages
internes, des fractures osseuses, des hémorragies et un peumo-thorax. Oh oui…
une luxation du cou également… coup du lapin latéral, contusion de l’aorte
possible.
A quel moment de l’expérience étiez-vous au niveau de conscience et de lucidité
le plus élevé ?
Pendant la conversation télépathique avec
« l’Autre Etre», débattant pour savoir si j’allais rester ou revenir à la vie.
Comparez votre niveau d’état de conscience et de lucidité maximum pendant
l’expérience et votre état de conscience et de lucidité habituel de tous les
jours ?
Plus conscient et lucide que d’habitude
Si votre niveau d’état de conscience et de lucidité maximum pendant l’expérience
était différent de votre état de conscience et de lucidité de tous les jours,
veuillez l’expliquer :
l’existence en dehors des sens et du temps est
difficile à expliquer. J’étais toujours moi, j’avais des souvenirs et une
identité, mais je n’étais pas dans ce monde ni dans un corps. Mon esprit avait
« fusionné » avec l’univers J’étais reparti d’où je venais, à « l’Endroit » où
j’étais avant de naître. La vie normale de tous les jours implique le sens de la
température, de la vue, de l’ouïe, du toucher, des vêtements, du vent… rien de
tout cela n’était présent lors de ma période ailleurs.
Votre vue était-elle différente d’une manière quelconque de votre vue de tous
les jours (sous tous les aspects tels que clarté, champ de vision, couleurs,
luminosité, degré profond de perception de la massivité/transparence des objets,
etc.)?
Oui , c’était comme si je voyais l’air, j’ai la
sensation de me rappeler du moment où j’ai flotté à travers le plafond. J’ai
l’impression d’avoir vu les atomes, pas comme des solides, en fait je les
ressentais également plus que je ne les voyais
Votre audition différait-elle de manière quelconque de votre audition normale
(sous tous les aspects tels que clarté, capacité à identifier la source sonore,
hauteur, force, etc.)?
Oui , elle a changé, j’ai entendu une sorte de
sifflement…il y a peut-être eu des craquements/froissements à la manière d’un
journal froid qu’on froisse avant de le mettre dans un poêle à bois par un froid
matin d’hiver. Ce son accompagnait ma prise de conscience du fait que j’étais
hors de mon corps et le signe précurseur d’une sensation de déplacement.
Avez-vous vécu une séparation de votre conscience et de votre corps ?
Oui
Quelles émotions avez-vous éprouvées pendant l’expérience ?
Un amour extrêmement profond. J’ai aussi éprouvé de la
tristesse et du regret pour certains évènements que « l’autre » et moi
regardions alors que ma vie défilait, je devrais dire « ressentions », c’était
comme regarder un film dans lequel on pourrait aussi
éprouver tous les sentiments de toutes les personnes du
film, ainsi que ceux des personnes (moi et « l’autre ») qui regardent ce film.
Les émotions ressenties pendant le passage en revue de la vie ont constitué un
facteur majeur de ma décision (ou « accord ») de repartir.
Etes-vous passé(e) dans ou avez-vous traversé un tunnel ou un espace fermé ?
Incertain. Je dirais plutôt que c’était une
déformation. C’était comme si le monde s’était éloigné de moi en s’étirant,
comme si j’avais été sur le pilier central d’un grand chapiteau qui ne cesserait
de s’élever, donnant aux parois de toile un angle de plus en plus aiguë,
s’étirant infiniment en une longue ligne.
Avez-vous vu une lumière ?
Incertain. J’ai vu fuser des rayons violets, j’ai
toujours pensé qu’il pouvait s’agir d’une déformation de la tempête de neige ou
de l’atmosphère au cours du « mouvement rapide » après avoir quitté la scène du
corps et des infirmiers.
Depuis, j’ai vu plusieurs fois une lumière « bleue/blanche » sur 360 degrés.
Avez-vous rencontré ou vu d’autres êtres ?
Incertain. Il y avait la présence de « l’autre » mais
je ne crois pas l’avoir regardé ou je ne m’en souviens pas. Toutefois nous avons
communiqué tout à fait efficacement sans stimulus visuel.
J’ai vu depuis une grande quantité d’entités, certaines pourraient êtres
décrites comme des anges (formes humaines avec des ailes) et d’autres que
j’appellerais « créatures ».
Avez-vous revu des évènements passés de votre vie ?
Oui
Avez-vous observé ou entendu, pendant votre expérience, quoi que ce soit,
concernant des personnes ou des évènements et qui a pu être vérifié par la suite
?
Incertain. Activités des infirmiers, le policier et le
conducteur qui se tenaient hors de mon champ visuel, je n’ai rien vérifié de
tout cela.
Avez-vous vu ou visité des lieux, niveaux ou dimensions admirables ou
particuliers ?
Oui . Un voyage incroyable vers les mécanismes internes
de l’univers, je suis devenu toute chose. J’étais au paradis tel que certains
l’ont décrit… Je dis que je suis reparti d’où je venais.
Avez-vous ressenti une modification de l’espace ou du temps ?
Oui . Tous les points du temps existaient simultanément.
Dans un sens il n’y avait pas de temps, le temps n’avait pas de sens, cependant
il y avait une notion d’endroit où le temps existait bien, mais pour ces moments
en dehors, dans « l’endroit » avec « l’autre », il n’y avait pas de temps, cette
question n’est pas pertinente.
Avez-vous eu le sentiment d’avoir accès à une connaissance particulière, à un
sens et / ou à un ordre de l’univers ?
Oui . Je savais tout. Tout ce qui a existé ou existera
jamais faisait partie de moi et vice versa.
Avez-vous atteint une limite ou une structure physique de délimitation ?
Incertain. Cela ne se présentait pas comme une limite
physique, je pense cependant que si je m’étais attardé, cela aurait pu le
devenir. On m’a simplement donné le choix, mais la décision se basait sur de
nombreux facteurs. Tout d’abord, on m’a montré un passage en revue de ma vie, ce
qu’allait être les réactions, si je restais, de tous ceux qui me connaissaient,
puis un passage en revue similaire de ce que j’allais rencontrer en revenant. Je
ne suis toutefois pas certain qu’on m’ait autorisé, dans l’option du retour, à
me souvenir de nombre de choses qui m’ont été présentées… cela ressemble à un
mauvais roman de science-fiction mais les choses semblent être ainsi.
Avez-vous pris connaissance d’évènements à venir ?
Incertain. Je crois que je sais de très nombreuses
choses, mais je ne m’en souviens pas facilement. J’ignore pourquoi,
aléatoirement des évènements paraissant insignifiant sont révélés en
séquences bizarres…peut-être sans autre motif que de me
rappeler que tous les points du temps coexistent quelque part, toutefois l’accès
dont je dispose semble être aléatoire.
Suite à votre expérience, avez-vous eu des dons spéciaux, paranormaux, de
voyance ou autre, que vous n’aviez pas avant l’expérience ?
Oui , beaucoup et qui persistent ;
Fantômes (vus par toute la famille)
Monstres (vus par toute la famille)
Visions extraordinaires (à l’état de veille en méditation)
Perceptions extra sensorielles, capacité à lire les pensées ou à savoir ce
qu’une personne va dire avant qu’elle ne le fasse, savoir lorsque les gens
mentent, etc.
Avoir des visions d’évènements à venir très aléatoires et imprévisibles mais
tout à fait réels.
Perception empathique, éprouver les sentiments d’autrui.
Capacité à accomplir certains types de guérison (difficile à gérer)
Capacité à arrêter mon cœur par la pensée.
Capacité à influencer le fonctionnement de machines
Capacité à détecter l’électronique
Capacité à ressentir un flux d’électrons
Vision d’anges lors de méditations
Vision de constellations avec les yeux fermés lors de méditations
Immersion dans la Lumière Bleue - Blanche lors de méditations.
Capacité à voir le tunnel
Capacité de communication par télépathie, j’appelle ma fille en pensée, elle
répond oralement : « Comment ? Tu m’as appelée, papa ? »
Vision à distance, capacité de dessiner ce que d’autres voient.
Etc., etc.
Avez vous raconté cette expérience à d’autres personnes ?
Oui . Seulement après quelques semaines. Je me
préoccupais surtout de la douleur et de la guérison, j’avais peu de relations
avec les amis et la famille, qui plus est perturbées par la morphine, les
médicaments et la souffrance. Les premières réactions ont principalement été
négatives, personne ne savait de quoi je parlais, on pensait probablement que
j’étais fou. Certains ont été stupéfaits et intéressés, mais pour la plupart
d’entre eux, je suis incertain.
Connaissiez-vous les expériences de mort imminente (EMI) avant votre expérience
?
Non
Comment considériez-vous la réalité de votre expérience peu après qu’elle ait eu
lieu (quelques jours ou semaines) :
l’expérience était probablement réelle. Je souffrais
tant, la morphine et le Demorral m’embrouillaient la tête. Cela FAIT TELLEMENT
MAL de revenir, des décennies plus tard, je ressens toujours la douleur.
Y a-t-il eu une ou plusieurs parties de l’expérience particulièrement
significative(s) ou avec une valeur spéciale pour vous ?
Le lien avec toute chose est stupéfiant… si quelque
chose est vraiment sacré dans cet univers, alors c’est cela.
Une affirmation que j’ai exprimée de nombreuses manières est celle-ci : ce qui
se passe en réalité, dépasse de beaucoup toutes les œuvres religieuses, de
fiction ou imaginaires produites par l’esprit humain et dont j’ai connaissance.
Ce qui nous arrive vraiment, la vie et nos âmes est éternel, infini et divin.
Cela défie toute description.
Comment considérez-vous actuellement la réalité de votre expérience :
l’expérience était tout à fait réelle. Après avoir fait
des recherches, comparé des notes, avoir parlé
et écouté chez IANDS et sur le net, après tous les phénomènes dans lesquels des
proches et moi-même avons été personnellement impliqués… je sais que c’est la
réalité. Je sais de plus que je suis censé en parler.
Vos relations ont-elles changé spécifiquement à cause de votre expérience ?
Oui . J’ai un amour universel profond pour l’humanité et
un sens de la fraternité et du lien avec les hommes et la vie en général… bien
que j’aie peut-être eu le sens de ces choses avant, c’est devenu
significativement différent depuis que j’en ai appris les raisons et
l’importance. Je ne le vis pas aussi bien que je le voudrais, mais je m’y
efforce.
Vos croyances/pratiques religieuses ont-elles changé spécifiquement à cause de
votre expérience ?
Oui . ENORMEMENT. Je crois qu’il existe de nombreux
chemins dans la vie pour rechercher le savoir divin, j’ai par contre des
difficultés à pratiquer une des religions institutionnelles. Je pense que j’ai
plus la foi et que je prends plus au sérieux Dieu, l’Ame et la divinité que ne
le font les rédacteurs et les ecclésiastiques des religions du monde. Ma foi
provient de ce que je crois être l’expérience directe du fonctionnement interne
du tissu divin de Dieu, qui est l’existence même. C’est un peu difficile à
conceptualiser en s’endimanchant un matin par semaine.
Après l’expérience, d’autres éléments dans votre vie, des médicaments ou des
substances ont-ils reproduit une partie de l’expérience ?
Non, sauf en méditation où certaines visions paraissent
similaires, mais c’est différent de ne pas respirer.
Y a-t-il autre chose que vous souhaiteriez ajouter au sujet de l’expérience ?
Toute vie se termine par la mort… il ne faut pas
redouter cela… est-ce Peter Pan qui a dit : « Mourir est la plus grande des
aventures. ». Vous entreprendrez tous ce périple. Au moment de votre mort,
abandonnez la peur et prenez plaisir au voyage.
Les questions posées et les informations que vous venez de fournir
décrivent-elles complètement et avec exactitude votre expérience ?
Oui . Tout à fait… je suis en train d’écrire un livre,
nécessaire pour entrer dans les détails. Imaginez que si tout ce que j’ai dit
est vrai, alors pour l’expliquer en détail… il faut bien un livre.
Lorsque j’aurai plus de temps, j’aimerais rédiger mieux l’expérience décrite
dans la question N° 3 ci dessus.
Y a-t-il d’autres questions que nous pourrions poser afin de vous aider à
exprimer votre expérience ?
Certaines questions comportaient plusieurs réponses
s’appliquant à mon cas.